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À petits pas avec mes chats

À petits pas avec mes chats

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Résumé

Table des matières

À petits pas avec mes chats raconte la vie d’une femme, les affres de sa séparation avec l’être cher. Cette dernière exprime sa douleur, ses regrets et ses remords, mais surtout son passage du « monde des deux » à celui des célibataires. Pas encore dans l’un et plus tout à fait dans l’autre, elle est désormais l’étrangère qui observe à distance l’univers qui l’entoure. Au moyen d’une description ironique des situations, et avec un regard apitoyé et perplexe sur ces nouveaux êtres qui peuplent sa vie, elle pratique l’autodérision vis-à-vis de celle qui est devenue fragile et paumée. Dans ce monde sans repères, seuls les chats lui offrent un point d’ancrage. Leur amour fait partie intégrante de son salut. Ainsi, c’est à petits pas incertains, portée par la présence permanente de Bambou et Saha, qu’elle s’achemine vers la guérison.

Chapitre 1 No.1

Absence

Tu n’es pas là, tu n’es plus là. Tu es absent, c’est cela l’absence… oui c’est cela tout simplement. D’ailleurs, le dictionnaire l’atteste en termes analogues. J’ai vérifié. J’entends pourtant ta voix qui me raille :

— C’est la vérité de la Palisse, l’évidence même… Voyons réfléchis !

— Mais que veux-tu, cette certitude-là n’est pas la mienne et quelque chose me dérange dans cet article. Allons, allons, ne te gausse pas, car enfin tu le sais aussi bien que moi, tu es parti mais tu es toujours là.

Tes chaussures, ta robe de chambre, tes pantoufles, tes jeans oubliés ont gardé tes empreintes. C’est grâce à eux que tu surgis marchant, courant, taillant la haie du jardin. Le vieux fauteuil dont les creux et les bosses épousent les contours de ton corps m’offre ta fatigue, ton attitude d’abandon, tes cheveux en désordre. Le dernier livre que tu lisais est toujours sur ton bureau. Je le caresse du plat de la main et le tâte du bout des doigts, je l’ouvre et le respire. Oh ! Oui tu es toujours là ! Ton stylo n’est posé sur une page blanche que pour écrire une seule histoire : la nôtre dont les mots éclatent déjà, bruissent, brûlent, se tordent, s’amusent plus vivants que jamais. Je n’ai qu’à fermer les yeux pour entendre le crissement de la plume sur le papier.

Mais peu à peu, les objets se détraquent. Tes chaussures baillent, la trame usée de tes jeans se craquelle comme mitée, tes stylos bavent de l’encre pour toute littérature. La pendule s’est arrêtée. Quelque chose ne tourne pas rond dans le petit monde des objets. Ratatinés au fond de leur tiroir, palis, raidis, muets, ils ne me renvoient que poussière et moisissure. Mais je te connais trop bien pour savoir qu’avec toi il ne faut pas se fier aux apparences ! Comme le phénix tu vas bien sûr renaître de tes cendres.

Un matin au saut du lit, encore à moitié endormie, un bruit de vaisselle au rez-de-chaussée monte jusqu’à moi. L’arôme du café, l’odeur du pain grillé viennent me titiller les narines. Je descends les escaliers où tu viens me frôler… Pendant que je beurre des tartines, tu rôdes autour de moi, je sens ton souffle et ton odeur. Puis c’est le ronron de ton rasoir électrique qui me parvient de la salle de bain.

Oui tu es toujours là. C’est une clef qui tourne dans la serrure, ton cartable jeté à terre, tes manteaux en désordre sur le divan, tes yeux au sourire qui danse et ton sourire que je dévore des yeux. Parfois, tu viens vers moi les bras chargés de câlins et je te tends les miens mais j’embrasse du vide, étreins du vent. Tu n’es plus là. Ce n’est pas grave, je sais que tu vas revenir.

Ton armoire pourtant vide hurle ta présence. D’ailleurs, j’entends vibrer ta voix dans tous les bruits de la maison. Elle murmure, éclate, bougonne.

Voilà mon absence à moi à quoi elle ressemble. Souvent, mes amies me racontent les soirées en tête à tête avec l’étranger qu’est devenu leur mari. Un fossé les sépare, et parfois elles finissent par oublier jusqu’à sa présence. Moi je leur confie la tienne, obsédante, envahissante. Je ne crois pas les gens quand ils me parlent d’hallucinations. La preuve ! Quand Mathilde est partie à l’université, je ne la sentais pas qui rôdait autour de moi, je n’ai jamais été poursuivie par son rire de perle. Pourtant, comme elle me manquait !

Alors moi, j’ai une explication toute simple.

Enfant, tu adorais le spectacle des magiciens. Les lapins dans les chapeaux, la femme coupée en deux puis ressuscitée, les disparitions et les apparitions te plongeaient dans une sorte de transe. Tu jouais à cache-cache des après-midi entières. On ne savait où te chercher et on te trouvait où on ne t’attendait plus. Plus tard, tu t’es mis à faire semblant. Pince sans rire tu faisais semblant d’être sérieux, tu faisais semblant d’être fatigué pour soudain, à la plus grande joie des enfants, annoncer une journée de promenades, de sport et de pique-nique. Puis tu as fait semblant de me tromper pour me rendre jalouse. Semblant, semblant, toujours semblant ! Petit, me disait ta mère, tu faisais semblant d’avoir mal au ventre et tu te roulais par terre. À l’école, tu faisais semblant de ne rien comprendre. Et aujourd’hui, tu fais semblant d’être parti. Ce jeu t’a toujours amusé. Cette fois, il dure plus longtemps, voilà tout. Finalement, on joue à cache-cache tous les deux ou plutôt non tous les quatre, car les chats sont aussi de la partie. Tous les soirs à la nuit tombée, ils se postent face à l’escalier où les ombres se sont amassées. Assis sur leur train de derrière, les pupilles dilatées, ils suivent tes allées et venues que tu permets à eux seuls de percevoir, de leur petite tête pointue qui oscille au rythme de tes mouvements. Moi je suis privée de ce bonheur, mais qu’importe puisque Saha et Bambou me confortent dans la certitude de ta présence. Je m’endors paisible le nez collé à la fourrure de mes deux amours qui me transmettent ton odeur. Lorsque tu disparais dans le premier rayon du matin qui traverse la cuisine, j’ai pris l’habitude d’attendre que tu te manifestes à nouveau, mutin, charmeur. Je sais bien que tu vas revenir !

Au fil du temps, j’ai remarqué un phénomène bizarre : tes visites n’ont lieu que lorsque nous sommes seuls. Je m’isole donc de plus en plus. Je ne veux en aucun cas rater une seule de tes apparitions.

Et je t’attends.

À l’affût, crispée, je t’imagine, cruel, venant sur la pointe des pieds pour que je ne puisse pas t’entendre. C’est ta nouvelle règle du jeu. Alors, j’ai ôté tous les tapis pour percevoir le moindre de tes pas dans le silence recueilli de la maison. On joue au plus malin. Je me concentre pour que tu viennes. Mais horreur, ces pas quasi inaudibles se raréfient. J’ai alors l’idée de créer une atmosphère pour te séduire. Des bougies, des essences brûlent jour et nuit dans toutes les pièces, des tentures doublent toutes les portes de couleurs chaudes. Le décor est dressé, tu peux entrer en scène.

Mais ne voilà-t-il pas que tu as encore changé les règles du jeu ! Si je ne t’attends pas de longues heures, tu ne viens pas. Or connaissez-vous pire chose que l’attente ? J’ose à peine aller faire les courses pour ne pas te manquer. Je me suis mise en maladie. Et je t’attends de toutes mes forces, de toute mon âme. Je me rends disponible, ouverte.

Et je t’attends.

Je deviens fébrile, nerveuse. Est-ce toi cette nuit qui as déplacé ce vase sur la commode ? Et toi encore qui as allumé le gaz sous la casserole, pendant que je m’absentais dans le jardin ? Désormais, je vérifie tout pour ne perdre aucune de tes facéties. Après la carafe, c’est le bougeoir de l’entrée que tu changes de place, puis l’une après l’autre, les poupées en porcelaine font le tour de la pièce. Mes livres, mes classeurs ne tiennent pas en place. Je suis obligée de chercher mes vêtements car tu me les caches désormais et j’ai du mal à m’habiller le matin. Tu ne me laisses plus un seul moment de tranquillité. Les lumières se rallument, la porte d’entrée reste béante toute la nuit, un soir tu t’amuses même à me serrer la gorge. Je ne parviens plus à m’adapter à ces variations permanentes. Je t’explique cela, oui il faut que tu comprennes, on a peut-être passé l’âge de jouer à cache-cache, lorsque soudain, un bruit là-haut dans notre chambre. Je me précipite dans l’escalier, cette fois tu vas me faire un signe. Je pousse la porte. Le rideau n’a pas le moindre frémissement, le dessus de lit pas un pli. Ni murmure ni soupir, pas le moindre souffle : la chambre est vide. Je hurle, je t’appelle « reviens, pouce je ne joue plus ».

Soudain, un bruit sec d’ampoule qui se grille. Je me retrouve dans le noir.

Échec et mat.

Mais on ne meurt pas d’amour, c’est un jeu qui un jour se termine. C’est tout.

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Mis à jour : Chapitre 23 No.23   12-01 11:49
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