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Les larmes d'Andromaque - Tome I: Le lycée Arago

Les larmes d'Andromaque - Tome I: Le lycée Arago

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Résumé

Table des matières

L’histoire débute après mai 1968. Chaque matin, Hisham Basrani quitte sa banlieue pour rejoindre le lycée Arago, à Paris, dans le 12e arrondissement. Dans son lycée, Hisham s’ennuie. Là, assis sur un banc, il rêve d’Andromaque. Pour la jeune Reine de Troie, il veut réinventer l’Iliade... Hisham est un garçon renfermé, pris entre deux cultures, qui communique peu, et qui consigne ses réflexions dans un petit carnet noir. Heureusement, il fait la connaissance de Rolande, une caissière. Elle est jeune, terriblement sexy et elle lui plaît beaucoup. Cependant, il est attiré par une jeune femme, au beau visage hâlé et aux yeux lumineux d’un vert profond. Commence alors pour lui une aventure dont il ne sortira pas tout à fait indemne. À PROPOS DE L'AUTEUR Après des études universitaires dans le domaine juridique, Salah Tengour s’oriente vers le monde des affaires et occupe différents postes dans des entreprises privées et dans des cabinets d’audit. Par souci d’indépendance, il choisit d’ouvrir son propre cabinet. Il est également auteur de quelques nouvelles littéraires et de divers articles adressés à des revues. Cependant, sa préoccupation majeure reste le monde arabe. Pour lui, la première guerre du Golfe a marqué un tournant dans l’histoire du Moyen-Orient. Fermement opposé à l’idée d’un conflit génétique qui opposerait l’Orient et l’Occident, Salah Tengour, nourri des récits de l’Iliade, signe avec Les Larmes d’Andromaque – Tome I – Le Lycée Arago son premier ouvrage où il laisse libre cours à sa réflexion personnelle.

Chapitre 1 No.1

I

Paris, février 1969, lycée Arago, classe de Seconde A3

Ce jour-là, le 11 février 1969, un ciel bas et gris pesait sur la capitale. D’un bout à l’autre du ciel de Paris, un vent froid et vif poussait d’énormes nuages livides et tumultueux. Depuis plus d’une semaine, février se traînait comme ça en jours tristes et désolés.

Hisham tourna la tête. Une lumière dure, froide, sans éclat, filtrait à travers les vitres d’en haut. En se penchant un peu en avant, il pouvait apercevoir de grandes bandes grises épaisses qui striaient le ciel.

Il pensa tout bas, en poussant un soupir découragé :

— Quel sale temps aujourd’hui !

Au plafond, les ampoules poussiéreuses accrochées comme des poires à leur tige diffusaient, sur le grand amphithéâtre, une luminosité terne et atténuée à peine perceptible avec la clarté du jour. Un silence lourd, grave, enveloppait la grande salle, comme le couvercle d’un grand sarcophage. Il y régnait une stabilité rassurante mais ennuyeuse. Une odeur tiède et persistante flottait dans l’air. Tout semblait figé, empesé, immobile. Dépourvu de toute vie.

Hisham promena un regard distrait, presque absent, sur les murs nus, puis se heurta au cadran de la vieille pendule. Onze heures et demie. Le temps s’écoulait immuable, dans le même silence, la même immobilité.

Il éprouvait, sans comprendre pourquoi, une impression irritante de dépit et de lassitude. Il se sentait nerveux et impatient avec le sentiment confus d’être exclu de tout. Une sorte d’ennui, une vague anxiété rendait son humeur taciturne. Était-ce le temps humide, froid et venteux la cause véritable de son sentiment pénible de découragement ? Il n’en était pas vraiment sûr. Depuis quelque temps, son esprit flottait dans des rêveries vagues et confuses. Son imagination gravitait autour de quelque chose de féminin et de poétique.

Derrière son laboratoire, le professeur en blouse grise se livrait, depuis un moment, à une expérience chimique, dont il reproduisait les formules sur le grand tableau noir, sous le regard apathique et silencieux des élèves.

Hisham suivait le cours avec une indifférence maussade. Il n’aimait pas beaucoup la chimie, et encore moins le professeur, avec son air sournois, qui ne manquait jamais une occasion de lui faire une réflexion désagréable. Il portait un costume trop large et complètement chiffonné. Son visage émacié et creusé avait le teint gris et cireux des gens qui fuient le soleil.

Il avait hâte de voir finir ce cours qui semblait prendre un malin plaisir à vouloir s’éterniser. Il voulait déjà être dehors, sentir le contact de l’air frais et revigorant sur son visage. Il voulait voir s’animer, autour de lui, une foule vivante et animée. Il voulait déambuler dans la rue, libre et sans contrainte, et s’arrêter sur le sourire clair et prometteur d’une jolie fille. S’échapper pour un bref instant, à cette oppression, à ce mal-être qui le rongeait. Au lieu de cela, il était confiné dans une classe triste au milieu de visages renfrognés, passifs et sans expression.

Le lycée avec son architecture ancienne et ses façades austères sentait trop la prison. C’était un lieu clos. Triste. Sans âme. Un lieu étranger à la beauté, indifférent à la joie et à la gaîté.

Cette impression très déprimante, Hisham la ressentait chaque jour davantage lorsqu’il franchissait la lourde porte du lycée.

Hisham n’écoutait plus le cours. Son esprit inattentif cherchait d’autres distractions. Il suivit du regard le mouvement rapide et saccadé de la trotteuse de la montre Tissot qu’il portait au poignet. Il s’attarda sur le cadran doré de la montre. À cet instant, un souvenir précis s’imposa brutalement à son esprit et ses lèvres ébauchèrent un sourire évasif.

À quinze ans, la plupart de ses anciens camarades fumaient des cigarettes, parlaient librement des filles, et ils avaient presque tous une montre. Lui ne fumait pas, ne connaissait aucune fille et n’avait pas de montre.

Après des mois d’efforts, il avait finalement réussi à convaincre son père de lui offrir sa première montre s’il obtenait son BEPC.

Tout cela s’était passé l’été dernier, mais cela paraissait déjà très loin. En quelques mois, Hisham avait beaucoup mûri. Il n’était déjà plus le même. Sans le savoir, il avait quitté le monde magique et rassurant de l’enfance. Il n’avait plus le même regard sur les choses. Il doutait même d’avoir été ce jeune homme naïf et prétentieux qui se flattait auprès de ses copains de son inscription au lycée Arago.

Un vrai lycée parisien ! De quoi satisfaire son ego et sa vanité. Le conforter sur sa propre valeur et sur les mérites qu’il s’attribuait. Fini enfin le statut de lycéen banlieusard.

Pour Hisham, Paris représentait de façon absolue la Ville lumière. La ville de tous les possibles. Les habitants de cette ville magique étaient forcément riches, beaux et très puissants. Son imagination, entretenue par trop de lectures, lui avait fait miroiter une vie parisienne facile, faite de sorties, de rencontres, de théâtre. De jolies filles très sexy, à la peau fraîche et lisse, et surtout pas trop compliquées. Il apprenait par cœur les poèmes de Gérard de Nerval. Il voulait rencontrer une comédienne qui ressemblerait à Jenny Colon.

La réalité s’imposa à lui avec une violente brutalité. Hisham réalisa avec amertume que le lycée Arago, dans le douzième arrondissement, n’avait rien à voir avec le lycée Janson de Sailly ou le lycée Henri IV.

Chaque matin, il quittait une banlieue pauvre et démunie, une de ces banlieues tristes et sans joie qui avaient poussé comme des champignons au début des années soixante, à la périphérie de Paris pour accueillir les couches populaires dont la capitale ne voulait plus. Après un trajet de plus d’une heure dans le train de banlieue, puis dans le métro, il retrouvait un lycée décevant, dépourvu de tout intérêt avec des camarades, pour la plupart faux et sournois, souvent d’une bêtise consternante.

La voix d’Hadrien interrompit brutalement le cours de ses réflexions.

— Tu as rendez-vous ou quoi ?

Hisham se tourna vers Hadrien, un peu surpris. Ce rappel à la réalité lui sembla soudain pénible. Il balaya du regard la salle.

— Pourquoi me demandes-tu ça ?

Hadrien, surpris par la réaction brusque d’Hisham, le fixa quelques secondes, puis il sourit et lui lança d’une voix appuyée où perçait une vive ironie :

— Ça fait une heure que tu regardes ta montre. Elle est jolie, au moins ?

Hisham se raidit. Il répondit d’une voix mal assurée :

— Je n’aime pas la chimie.

Hadrien approuva :

— Tu as raison, ce n’est pas très passionnant.

Puis il ajouta, sur un ton ironique :

— La chimie, c’est une matière plutôt acide, non ?

Hisham jeta un regard dubitatif vers son camarade. Il n’avait pas réalisé tout de suite le jeu de mots. Hadrien insista :

— Acide ! La chimie ! Tu saisis la subtilité ? Qu’est-ce qui t’arrive, tu as le cerveau ramolli ou quoi ?

Hisham haussa les épaules.

— Excuse-moi, vieux. Tu es trop subtil pour mon petit cerveau.

Hadrien ricana :

— Les grands génies sont toujours incompris

Il marqua un temps, puis il ajouta :

— Tu as des projets pour ce week-end ?

Surpris, Hisham répondit évasivement :

— Non, je n’ai rien de prévu, pourquoi tu me demandes ça ?

Hadrien lui expliqua :

— J’ai deux places pour un concert, samedi soir, ça t’intéresse ?

Hisham hésita. Il n’avait rien de prévu pour samedi mais il n’osait pas avouer qu’il n’avait personne pour l’accompagner à son concert

Il répondit d’un ton indécis :

— Invite donc une de tes nombreuses groupies. Elle sera ravie de t’applaudir.

Hadrien écarta d’un geste la proposition.

— Impossible. Quand je suis sur scène avec mon groupe, je n’aime pas être distrait par mes admiratrices. Et elles sont très nombreuses. Non, je veux rester concentré sur ma musique.

Hisham ricana.

— Bien sûr. Je comprends. L’art avant tout. Je vais essayer de venir, mais je ne te promets rien.

Hadrien lui lança un coup de coude. Hisham leva la tête et rencontra le visage dur et sévère du professeur.

Il s’adressa sèchement à Hisham :

— Je vois que vous tenez une conférence. Peut-être qu’on vous dérange. Non seulement vous n’êtes pas assidu aux cours, mais vous vous permettez d’ennuyer vos camarades.

Hisham rétorqua sans lever la tête :

— Je n’ennuie personne, Monsieur. Je demande simplement une explication sur les acides.

Le professeur s’écria :

— Taisez-vous ! Vous êtes un impertinent.

Hisham jugea plus prudent de ne pas répondre. Le professeur le toisa pendant un moment puis, devant le mutisme prolongé de l’élève, retourna vers son bureau et reprit son cours en maugréant des mots incompréhensibles.

Hadrien chuchota discrètement :

— Fais attention, vieux ! Ce type est un vicelard de premier choix ! Il fait toujours ses coups en douce.

Hisham remarqua :

— Je ne comprends pas, il est toujours derrière moi. Pourtant, je ne fais rien de spécial. J’ai vraiment l’impression qu’il m’a pris en grippe.

Hadrien émit un petit rire ironique.

— À mon avis, il ne doit pas aimer les basanés.

Le père d’Hadrien était serbo-croate. À ce titre, il se croyait autorisé à adopter un certain vocabulaire et une certaine attitude sans qu’on puisse le taxer lui-même de raciste.

Hisham rétorqua :

— En Yougoslavie aussi, il y a aussi des musulmans basanés, comme tu dis.

Hadrien lui lança une tape sur l’épaule, en riant. Il ajouta :

— T’emballe pas. Je voulais juste te dérider un peu.

Hadrien aimait bien lancer des petites piques. Il trouvait cela très amusant de rire aux dépens des autres. Hisham lui lança sur un ton acerbe :

— Tu as réussi, je suis devenu jaune.

Hisham jeta un coup d’œil vers le professeur qui avait repris ses expériences. Il voulait refouler ce sentiment oppressant qui contractait sa poitrine. Qui gênait sa respiration. Il n’arrivait pas à démêler le sens de toutes ces impressions qui le chagrinaient. Un moment, la situation lui parut absurde et vide de sens. Qu’est-ce qui se passait ? Que signifiait ce sentiment de dégoût, proche de la nausée ? Le mauvais temps n’expliquait pas tout. Il lui semblait qu’il perdait inutilement son temps dans ce lycée terne, et il rêvait de quelque chose qui briserait enfin cette routine quotidienne qui le démoralisait.

Hisham voulait sortir de cette spirale désolante. Non ! Le monde ne pouvait pas simplement se résumer à cette réalité terne et affligeante

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Mis à jour : Chapitre 42 No.42   01-29 00:12
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