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La Méditerranée. Mare Nostrum. Une aventure dont l’épicentre est Madaure, ville abandonnée depuis mille trois cents ans. Ses ruines ont abrité, au fil des siècles, une statue aux pouvoirs incertains et souvent bienfaisants, Diane, pour l’amour de laquelle des êtres ont perdu la vie. 1979. Jean et Marie arrivent à Annaba, en Algérie, ils sont employés sur un chantier sidérurgique. Amateur d’archéologie, Jean accumule des poteries anciennes achetées à un receleur établi dans le garage d’une cité HLM. Au hasard d’un contrôle fiscal, il se place dans une situation qui fait basculer sa raison : il pille une collection d’objets antiques. Il lui faut trouver comment extraire ces objets d’Algérie. Débordé par le virus de ce trafic, son obsession le guide vers une statue de Diane, sosie de Marie. C’est le début de la vraie aventure. Un voyage insolite qui amène Marie deux mille cinq cents ans plus tôt. Une expérience peuplée par les ombres de Praxitèle, d’Apulée, de Saint-Augustin et, surtout, des femmes qui les ont aimés. À PROPOS DE L’AUTEUR Pour des raisons professionnelles, Christian Copay a parcouru le monde, accumulant ainsi des images, des portraits et des situations qui lui ont servi de creuset pour satisfaire ses fantasmes d’auteur.
Du même auteur
La Double Controverse (La Nostalgie Légère du Départ – Livre I), Éditions Baudelaire, nov. 2013 ;
Mythomane Tropical (La Nostalgie Légère du Départ – Livre II), Éditions Chapitre, sep. 2014 ;
La Salamandre Bleue (La Nostalgie Légère du Départ – Livre III),Éditions Chapitre, sep. 2014 ;
La Charrette sur le Toit, Éditions Chapitre, déc. 2016 ;
La Dignité du Cireur de Chaussures, Éditions Chapitre, jan. 2018 ;
Le Bois qui Saigne, Éditions Chapitre, nov. 2018 ;
Malconfort, Éditions Chloé des Lys, déc. 2021 ;
Quarante jours et quarante nuits, Éditions Chapitre, déc. 2020 ;
Charlot !Editions Encre Rouge, fév. 2022.
Je vins à Carthage… Je n’aimais pas encore, et j’aimais à aimer… aimer et être aimé, c’était plus doux pour moi si je pouvais jouir aussi du corps de l’être aimé… J’en vins à me ruer dans l’amour où je désirais me prendre… et je m’enlaçais avec joie dans des nœuds de misère
Saint Augustin, Confessions
I
De Spa à Hippone
José est très certainement le premier mythomane tropical qui ait croisé ma route
José Lemperez est né dans le courant des années 1930, peut-être en 1934. Contrairement à ce que peut laisser supposer l’assonance de son nom, ses origines sont belges, au moins depuis Charles Quint.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, son père avait eu du succès, en vendant et réparant des voitures de sport, à Spa, à proximité du circuit de Francorchamps.
Durant les années 1950, Amédée Gordini était un habitué de la table des Lemperez. Paul Frère, bientôt rejoint par les deux Bianchi, Lucien et Mauro, et plus tard le très jeune Jacky Ickx, fréquentaient assidûment leur salon à la saison des courses.
Outre les diplômes traditionnels de Médecine ou de Droit, les carrières universitaires les plus prisées en Belgique sont celles d’ingénieur civil – voie royale dans le monde industriel colonial – ou d’architecte – qui a connu sa gloire internationale à la veille de la Première Guerre mondiale avec Poelaert, à la même époque que Gaudi en Espagne ou Guimet en France… et les débuts de Franck Lloyd Wright aux USA.
La carrière d’architecte, au lustre de la technique, ajoute l’aura de la créativité artistique. Le jeune José Lemperez choisira cette voie.
Bien lui en prit.
Fraîchement diplômé, à la veille de la frénésie de l’exposition universelle de Bruxelles en 1958, disposant de relations judicieuses acquises auprès des personnalités entrevues dans le salon de ses parents, il fut d’emblée catapulté vers une réussite matérielle à laquelle il n’avait pas été préparé et qui ne correspondait pas vraiment à son goût.
Au lendemain de l’exposition, ayant conclu, peut-être rapidement, un mariage avec une jolie fille de la bourgeoisie spadoise, il résolut que le succès de son talent méritait mieux que ce pays.
Il décida d’ouvrir un cabinet d’architecte à Majorque. La Belgique avait eu son heure de gloire avec l’exposition, mais Majorque connaissait à l’époque, et pour au moins quinze années encore, une explosion économique et libertaire, protégée des rigueurs du régime franquiste.
La fureur de construction se doublait d’une rage d’originalité dans la conception architecturale. Le besoin en jeunes créateurs talentueux était énorme, les places à prendre ouvertes et nombreuses.
Le climat, plus doux que celui des Ardennes belges, et l’argent facile achevèrent de séduire les jeunes mariés.
José connut les années les plus fastes de Majorque : à son arrivée, Hemingway et Ava Gardner pouvaient y être croisés ; lorsqu’il abandonna ces îles dans la deuxième moitié des années soixante-dix, les hippies d’Ibiza laissaient la place aux premiers touristes à bas coût.
José construisit des villas, des hôtels, et même l’aéroport d’Ibiza. Il se déplaçait fréquemment d’une île à l’autre : il apprit à piloter et acheta un avion, un petit Cessna, puis un plus gros bimoteur, un Beechcraft, acheté sur les honoraires perçus lors de la construction de l’aéroport.
José et sa femme eurent deux filles, nées à Majorque. Ses parents morts tous deux, José n’avait que peu de contacts avec sa famille belge – uniquement sa sœur, restée au pays.
José était pris dans un tourbillon social, et il justifiait ses absences, ses nuits de fêtes, par le besoin de cultiver les hautes relations nécessaires à maintenir et développer ses affaires.
José est un gentil ; un généreux gentil. Un faible, certainement, en dépit de ses fulgurances, ces intuitions qui lui ont permis un démarrage de vie si fracassant.
José est incapable de résister à une jolie fille ; si elle est vraiment jolie, vraiment gentille, il lui donnera l’argent qu’il n’a pas. Et il en rira. Et il s’en fera gloire.
Sa femme était une parvenue. L’était-elle avant leur mariage ? Peut-être, j’aurais tendance à le croire, mais rien ne m’autorise à l’affirmer. Elle pouvait pardonner la faiblesse de José pour des jeunesses bronzées, mais elle ne pouvait tolérer la dilapidation du patrimoine. Elle entama et gagna la procédure de divorce ; épaulée par un avocat, ami de la famille de ses parents, elle rafla tout le patrimoine du couple, ne laissant à José que son bimoteur, sans argent pour y mettre du kérosène.
José ne chercha pas à se défendre, il savait qu’il avait tort, et que le futur subviendrait à ses besoins ; il laissa partir l’épouse qu’il n’aimait plus et les biens auxquels il ne tenait pas. Il ne parlait jamais de ses filles.
Il avait des amis qui l’aideraient, des amis accumulés depuis plus de quinze ans, avec qui il avait réalisé les projets les plus audacieux sur les îles de l’archipel.
Les amis ne l’aidèrent pas, ou mal, ou trop peu. Son cabinet d’architecte n’arriva plus à décrocher de nouveaux contrats – et la montée en puissance du tourisme de masse que connaissaient les Baléares à partir des années 1970-1975 n’allait pas dans le sens de nouveaux investissements majeurs : il n’avait aucun goût pour la construction d’hôtels de bas de gamme, boîtes à chaussures retaillées en cages à lapins. Rien à voir avec l’hôtel Na Xamena, son œuvre majeure.
Au bout d’un an, José accepta un emploi salarié pour le compte de l’un de ses anciens sous-traitants. Celui-ci avait décroché un contrat de génie civil dans le cadre du complexe gazier d’Arzew dans l’ouest de l’Algérie, à proximité d’Oran. Il avait besoin d’un chef de travaux. L’entreprise n’avait pas bonne réputation en Espagne, avec plusieurs procès en cours pour malfaçons. Le contrat qu’on lui proposait était une opportunité pour refaire surface. José avait travaillé à plusieurs reprises avec la filiale majorquine de l’entreprise et y voyait une opportunité pour rebondir.
Rebondir, voire. Pas de façon spectaculaire, mais sa nature optimiste se réjouissait de cette opportunité.
En plus de ses fonctions opérationnelles, José assurait également le dédouanement des biens et équipements importés, en contact étroit avec une agence allemande de transport et transit internationaux.
José arrive sur son chantier, un matin ; tous les expatriés ont disparu ; seuls restent les ouvriers algériens. Les fournisseurs n’ont pas été payés depuis longtemps, tout comme les ouvriers, et le chantier a pris un retard exagéré. José sert de bouc émissaire, il est arrêté et incarcéré. Il touche le fond.
José ne sait pas faire valoir ses droits, il ne sait pas se défendre, il n’a jamais pratiqué l’un ou l’autre exercice. Mais il attire la sympathie – la pitié, peut-être…
L’administration algérienne est plutôt embarrassée par ce détenu dont elle ne peut rien faire, dont personne ne veut. Il n’est soutenu par personne du côté espagnol, et personne parmi ceux, dans l’administration locale, avec qui il a été en contact n’a à se plaindre de lui.
José est libéré et son passeport lui est rendu. Il commence par se saouler, à crédit, et s’endort dans un hôtel bon marché, à crédit. Passe une semaine, un mois à ce rythme. Il traîne un peu partout, à Oran, puis à Alger, et finit par aboutir dans les bureaux du transitaire allemand avec qui il avait travaillé.
Il tombe bien. Le transitaire a notamment un programme important dans l’est du pays, à côté d’Annaba, où une entreprise belge cliente, en charge de la réalisation d’un gros programme industriel, vient de se faire confisquer ses voitures par les douanes ; leur permis d’importation temporaire aurait dû faire l’objet d’une prolongation, dont la procédure a été négligée. Comment, par qui, l’affaire est obscure, mais l’entreprise est le transitaire officiel de l’industriel, cela ressort donc de sa responsabilité, et il n’y a personne sur place.
José accepte, sans discuter les conditions, il est uniquement préoccupé de savoir où apposer sa signature.
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