Il n'était pas n'importe qui. Owen était destiné à devenir le futur Alpha de notre meute, la Moonlight Crown, tandis que moi, je n'étais qu'une Omega sans éclat particulier.
Je m'étais assise avec Sloane pour profiter de la pause. L'air de rien, je tentai de me concentrer sur elle, mais mon esprit se perdait déjà ailleurs.
Je soupirai et tournai la tête vers ma meilleure amie.
- J'étais juste...
- Bien sûr. Tu observais autour de toi et, comme par hasard, tes yeux se sont posés pile sur lui, répliqua-t-elle en pouffant.
Je souris malgré moi, gênée, et baissai la tête. Sloane me connaissait mieux que quiconque, elle voyait clair dans mes moindres silences.
- Tu es la fille du bêta, Emery. Tu crois vraiment qu'il pourrait t'ignorer ?
Je secouai doucement la tête.
- Ce n'est pas ce que je veux. J'aimerais qu'il me voie comme une fille normale, pas comme la fille du bras droit de son père.
- Mais tu es jolie. Il finira par te remarquer, c'est obligé. Sinon, je jure que je lui tords le cou.
- Chut ! sifflais-je en plaquant ma main sur sa bouche. Tu veux qu'il nous entende ?
La sonnerie annonçant le prochain cours retentit, et nous nous dirigeâmes vers la salle. C'était une matière particulière, un cours de promotion de marque, auquel participaient à la fois les classes de première et les terminales. L'occasion rare de se retrouver tous ensemble.
Devant la porte, nous attendions de pouvoir entrer. C'est alors qu'Owen apparut dans le couloir, s'avançant vers nous d'un pas tranquille. Mon cœur bondit. Je retenais mon souffle, incertaine de la place que j'allais occuper à l'intérieur et surtout de savoir si je pourrais me retrouver près de lui.
Mais, au moment d'entrer, une bousculade me fit perdre l'équilibre. Je heurtai brutalement Owen. Ses mains puissantes m'empoignèrent par la taille pour me redresser. Ses bras solides m'entourèrent l'espace d'un instant, et une chaleur envoûtante m'envahit.
Je levai les yeux. Devant moi, ses mèches blondes tombaient légèrement sur son front, ses traits taillés avec précision, et ses yeux sombres qui semblaient sonder au-delà des apparences.
- Ça va ? demanda-t-il d'une voix grave.
Je réalisai que je l'observais avec trop d'insistance. Lui était en quatrième année à l'Université du Clair de Lune ; moi, une simple élève de première année. Et pourtant, tout le monde nous regardait, suspendu à la scène.
Je reculai d'un pas précipité, le cœur battant.
- O-oui... merci, balbutiai-je.
Il hocha la tête, l'air impassible, puis entra dans la salle. Derrière nous, des regards de jalousie se posèrent sur moi. Beaucoup de filles rêvaient de se retrouver à ma place, ne serait-ce qu'une seconde. Owen était leur étoile, leur futur Alpha.
Mais, pour moi, il était bien plus que cela. Je me souvenais du jour où il m'avait sauvée alors que j'étais en danger. Ce n'était ni sa beauté ni son rang qui m'avaient marquée, mais ce geste. Depuis, mon cœur lui appartenait.
- Alors ? souffla Sloane à mon oreille, amusée.
Je rougis et lui donnais une tape sur le bras.
- Aïe ! J'espérais un bisou, pas une claque, se moqua-t-elle.
Toujours prête à me pousser vers lui, elle s'était arrangée pour que je le percute.
- Ne recommence jamais ça, grognais-je. S'il s'énerve, ce sera de ta faute.
Elle roula des yeux.
- Tu ne gagneras jamais son cœur en restant aussi sage.
Nous entrâmes dans la salle bondée. Quelques places libres nous attendaient, loin d'Owen malheureusement. Une fois assises, le professeur commença.
- Aujourd'hui, chers étudiants, vous allez apprendre à choisir le sponsor idéal pour promouvoir votre produit.
J'écoutai attentivement. Les cours étaient importants pour moi ; je voulais réussir et rendre mes parents fiers.
- Comme Alpha Owen, reprit l'enseignant, qui incarne l'image même de notre école. Nous avons beaucoup de chance de l'avoir parmi nous.
Tous les regards convergèrent vers lui. Gêné, Owen fronça les sourcils.
- Juste Owen, corrigea-t-il calmement.
Le professeur bafouilla, confus :
- O-oui... oui, bien sûr.
Un murmure de rires parcourut la classe. Sloane se pencha vers moi.
- Regarde-le, tout le monde passe son temps à le flatter, chuchota-t-elle.
J'éclatai de rire discrètement. Owen feignait de se concentrer sur son manuel, mais je savais qu'il pensait ailleurs.
Il avait ses secrets. Tout le monde connaissait son histoire : fils d'Evan Alvarez, frère de l'Alpha actuel Neil, il avait perdu ses parents à cinq ans. Neil l'avait recueilli comme son propre fils. Beaucoup le considéraient désormais comme l'héritier naturel de la meute.
Pourtant, Neil avait aussi un fils, Colton, du même âge qu'Owen. Leur relation était connue pour être tendue, et Colton avait été envoyé à l'étranger depuis huit longues années.
- Tu viens ce soir ? me demanda soudain Sloane.
Je clignai des yeux.
- Hein ?
- La fête de bienvenue pour Colton. Les anciens organisent quelque chose.
Je fronçai les sourcils.
- Il n'est même pas élève ici.
Une fille devant nous se retourna.
- Détrompe-toi. Il rejoint notre école. Plusieurs combattants de différents packs sont venus voir le doyen aujourd'hui.
Je demeurai silencieuse. Colton... contrairement à Owen, il était colérique, impulsif. Je n'avais pas oublié ses éclats d'enfant.
- Viens avec moi, insista Sloane.
- Non.
- Réfléchis. Owen y sera sûrement.
Mon regard se porta malgré moi sur lui. Un soupir m'échappa.
Après les cours, Sloane me déposa chez moi. La maison était vide. J'appelai ma mère.
- Où es-tu ?
- À la maison de vacances. Luna Ella m'a demandé de l'aider à préparer les plats préférés de Colton. Tu te souviens comme il aimait ma cuisine.
J'hochai la tête, même si elle ne pouvait pas me voir.
- D'accord, maman.
Nous étions proches de la famille Alvarez, trop proches peut-être.
Je pris une douche, déjeunai tardivement, puis, le soir, Sloane revint me chercher. J'avais enfilé un simple jean et une chemise noire, attachant mes cheveux en une queue de cheval haute. Je voulais me fondre dans la foule.
Le club débordait de musique et de fumée. Je n'y avais jamais mis les pieds. Tout m'était nouveau, presque étourdissant.
- Allons boire un verre, cria Sloane en me tirant.
Mon regard s'accrocha soudain à une silhouette familière : Owen, occupé à discuter. Je m'excusai auprès de Sloane et m'approchai de lui.
- Owen...
Il se tourna vers moi. Je souris timidement. Mais devant lui se tenait Tatum, son ex-petite amie.
- Oui ? dit-il simplement.
- S-Salut, répondis-je, maladroite.
Il hocha la tête et détourna aussitôt son attention. Mon cœur se serra.
- Tu la connais ? entendis-je Tatum demander.
- Hmm.
- Comme si elle pouvait...
- Elle n'est pas mon genre, trancha-t-il.
Ses mots me frappèrent de plein fouet. Mes yeux s'embuèrent aussitôt. Je reculai, étouffant ma douleur, mais heurtai une poitrine solide.
En relevant la tête, je croisai des yeux noirs profonds, glacials. Un visage sévère, des traits marqués, des cheveux d'un noir de jais.
Son regard glissa brièvement sur mes vêtements avant de revenir me transpercer.
Et sa voix, grave, implacable, résonna :
- Qui es-tu ?
Je repris mon souffle et fis un pas en arrière, m'éloignant vivement du garçon qui venait de m'interpeller.
- Je... je... balbutiai-je, incapable de trouver mes mots, mes yeux fuyant les siens.
Son regard noir se planta dans le mien, froid et tranchant.
- À ta façon de te tenir et à ton allure, on voit bien que tu n'as rien à faire ici, lâcha-t-il avec mépris.
J'essuyai d'un revers de main les larmes qui brûlaient encore mes joues, puis je le fusillai du regard. Son insolence méritait une réponse muette mais ferme. Je vis ses lèvres se pincer, comme s'il n'attendait pas cette réaction.
Sans un mot de plus, je tournai la tête vers Owen. Il discutait toujours avec Tatum, absorbé par elle comme si le reste du monde n'existait pas. Mon cœur se serra. Je contournai le garçon qui m'avait jugée si vite et m'avançai d'un pas décidé.
Comment osait-il prétendre que je n'étais pas à ma place ici ? Était-ce parce que je n'avais pas choisi une robe courte comme toutes les autres filles, ou parce que je refusais d'afficher un sourire aguicheur ? La colère me nouait la gorge. Mais au fond, ce n'était pas ce garçon qui m'atteignait le plus. C'était Owen. Depuis tant d'années, j'avais nourri des sentiments pour lui, et il venait de réduire mon cœur en miettes sans même me regarder en face.
Je rejoignis Sloane qui m'attendait, inquiète.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle en scrutant mes yeux rougis.
- Rien, répondis-je sèchement.
Elle fronça les sourcils.
- Comment ça, rien ? Owen n'était-il pas censé avoir rompu avec elle il y a deux ans ? Pourquoi traîne-t-il encore avec Tatum ? Ou alors ils discutent juste, non ?
- Un truc comme ça... marmonnai-je, la voix éteinte.
À cet instant, un micro grésilla dans les haut-parleurs. Tous les regards se tournèrent vers la piste de danse où un étudiant de dernière année, le sourire large, s'était emparé de l'attention générale.
- Mesdames et messieurs ! lança-t-il avec emphase. Préparez-vous à accueillir le célibataire le plus envié, celui dont le simple regard fait chavirer les cœurs, dont la vie est un rêve pour chaque garçon d'ici. Il revient aujourd'hui dans sa meute, auprès des siens. Demain, il rejoindra officiellement notre école et, soyez-en sûrs, il fera battre le cœur de toutes les filles. Veuillez applaudir... Colton Alvarez !
Un tonnerre d'acclamations s'éleva. Les filles hurlèrent si fort que j'en eus presque les oreilles qui bourdonnaient.
Je voulus soupirer devant tant d'exagération, mais mes yeux s'écarquillèrent soudain.
- C'est... lui... murmurai-je, figée.
C'était le même garçon que j'avais croisé quelques minutes plus tôt, celui qui m'avait parlé avec tant de froideur. Colton Alvarez.
À côté de moi, les filles s'extasiaient.
- Seigneur, regardez comme il est beau !
- Trop canon ! Cette coupe, ce corps, il a tout d'un mannequin revenu de l'étranger.
- Son visage... c'est impossible d'être aussi parfait !
- Je croyais qu'Owen était inégalable, mais franchement... Colton le surpasse largement !
- N'importe quoi ! répliqua une autre. Owen reste le plus beau, et surtout il sera notre Alpha. Colton n'a pas cette aura. Et puis, j'ai entendu qu'il était un vrai coureur de jupons. Les deux frères sont des opposés.