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Les projecteurs scintillaient sur les mannequins, présentant la collection « Rêverie Urbaine », mon œuvre volée. Ma sœur, Sophie Dubois, rayonnait sur l'estrade, s'appropriant mes nuits blanches et mes croquis. J'étais Jeanne Dubois, reléguée au troisième rang, une simple employée anonyme, spectatrice de sa trahison. Elle parlait, sa voix fluide, de concepts qu'elle n'aurait jamais pu imaginer, mes mots devenus les siens. Mon cœur battait lourdement, tandis qu'elle affirmait que j'étais « bloquée », qu'elle m'avait « sauvée ». Monsieur Allard, le critique, l'interrogeait sur une technique complexe, un piège pour elle, pensais-je. Mais Sophie a répondu avec une assurance déconcertante, utilisant un jargon qu'elle ne maîtrisait pas. Un "réseau" secret, m'avait-elle dit, mais ce n'était pas qu'un carnet d'adresses, c'était autre chose. Puis, le coup de grâce : elle m'a présentée comme une artiste instable, jalouse, elle, la sœur aimante. Mon monde s'est effondré, mon talent arraché, mon nom traîné dans la boue. Le lendemain, Monsieur Dubois m'a convoquée, son visage froid, ses mots glaçants. « Jeanne, vous avez tenté de saboter son travail. » J'ai murmuré, brisée, « C'est mon projet... Elle a tout volé... » Sophie a secoué la tête, faussement attristée, « Ne rends pas les choses plus difficiles. » Mon contrat était rompu, j'étais poursuivie pour diffamation, ma vie s'écroulait. « Ne vous approchez plus jamais de votre sœur, » a-t-il ajouté, c'était une menace. Quelques jours plus tard, Sophie est venue, me tendant des billets, l'aumône de ma destructrice. La rage, que je croyais morte, a brûlé en moi, et je lui ai jeté son argent au visage. « Je n'ai pas besoin de ta pitié, garde ton argent sale. » Elle a ri, un rire sec, « Prouve-le. » Puis, elle est partie, me laissant seule, livrée à la fièvre et au délire. C'est alors, dans cet état de détresse absolue, que la voix de ma grand-mère a resurgi. Elle parlait d' un « don » créatif, transmis de génération en génération, qui ne se réveillait qu'après une « descente aux enfers ». J'ai compris : Sophie avait puisé dans ce don familial de manière corrompue, elle avait volé mon héritage. Une nouvelle énergie a parcouru mon corps affaibli. Je devais trouver la source pure de ce don, la vieille maison de campagne familiale, « là où tout a commencé. » J'ai enfilé mes derniers vêtements propres, j'ai ramassé mes dernières économies, juste assez pour un aller simple. Je laissais tout derrière moi, mes croquis déchirés, ma solitude. Dans le grenier, je trouverais la clé. Pour la première fois depuis des mois, je n'avais plus rien à perdre et tout à gagner. J'ai poussé la trappe et je suis entrée dans l'obscurité.