« Tu vas épouser Claire Beaumont », annonça Lucien d'un ton sec, comme s'il s'agissait d'une simple formalité, une question déjà réglée.
Le souffle d'Alexis se bloqua dans sa gorge. Il serra la mâchoire, cherchant ses mots, mais la brutalité de l'annonce le frappa de plein fouet. Il s'attendait à une conversation, peut-être à une discussion civilisée, mais cette déclaration sans appel le prit de court. Pendant un instant, il espéra avoir mal entendu.
« Pardon ? » balbutia-t-il enfin, ses yeux passant de son père à sa mère.
Béatrice, élégamment vêtue d'une robe ivoire, entrecroisa les mains sur ses genoux avec une grâce calculée. Elle ne répondit pas immédiatement, laissant le silence peser un peu plus. Lucien, lui, tapota doucement l'accoudoir de son fauteuil, un tic familier qui signifiait qu'il avait pris sa décision et qu'il ne reviendrait pas dessus.
« Tu épouseras Claire Beaumont », répéta Lucien avec un soupçon d'agacement. « C'est la meilleure chose à faire pour notre famille et pour la tienne. Il est temps de cesser de fuir tes responsabilités. »
Alexis se redressa dans son fauteuil, le cœur battant. Une bouffée de colère lui monta à la tête. Depuis toujours, ses parents avaient dirigé sa vie, comme des marionnettistes invisibles tirant les ficelles de chaque décision importante. Il avait toléré leur emprise lorsqu'il s'agissait de ses études, de ses fréquentations ou de ses investissements, mais cette fois, ils franchissaient une limite inacceptable.
« Vous ne pouvez pas m'imposer ça », lança-t-il d'un ton plus tranchant qu'il ne l'avait prévu. « Je refuse de me marier avec quelqu'un que je n'aime pas. »
Béatrice haussa à peine un sourcil. « L'amour n'a jamais été une priorité dans notre famille, Alexis. Les alliances stratégiques, en revanche, oui. »
Ces mots lui coupèrent le souffle. « Une alliance stratégique ? » répéta-t-il, incrédule. « Nous sommes au vingt et unième siècle, bon sang ! Vous pensez vraiment que vous pouvez encore manipuler la vie de vos enfants comme si on était au Moyen Âge ? »
Lucien posa ses mains sur ses genoux, puis se pencha légèrement en avant, son regard perçant planté dans celui de son fils. « Tu n'as pas compris, Alexis », dit-il doucement, comme s'il s'adressait à un enfant. « Ce n'est pas une question de choix. C'est une nécessité. Les Beaumont sont influents, leur empire est complémentaire au nôtre. Ensemble, nos deux familles formeront une puissance que rien ni personne ne pourra ébranler. »
Alexis eut l'impression d'étouffer. « Et moi dans tout ça ? Qu'en est-il de ce que je veux ? »
Béatrice soupira avec une lassitude feinte. « Tu es notre héritier. Tout ce que tu possèdes, tout ce que tu seras, tu le dois à nous. Il est temps que tu agisses en conséquence. »
Alexis se leva brusquement, faisant grincer le cuir du fauteuil. « Alors c'est ça ? Vous pensez que je vous suis redevable au point de sacrifier mon avenir ? »
Lucien se redressa à son tour, imposant malgré ses cheveux grisonnants. Son regard s'assombrit. « Si tu refuses, Alexis, sache que tu perdras tout. Ton titre, ton accès aux comptes familiaux, ta position dans l'entreprise. Nous trouverons un autre héritier, quelqu'un qui saura être à la hauteur. »
Ces paroles furent comme une gifle. Alexis sentit son estomac se nouer. Il connaissait trop bien son père pour savoir qu'il ne bluffait jamais. Chaque menace qu'il prononçait était une promesse. Béatrice, elle, resta silencieuse, se contentant de fixer son fils avec une expression froide, presque indifférente.
« Vous ne feriez pas ça... » murmura Alexis, la gorge nouée par la colère et la douleur.
Lucien le regarda droit dans les yeux. « Essaie-moi. »
Pendant quelques secondes, le silence fut si lourd qu'on aurait pu entendre une épingle tomber. Alexis sentait sa peau brûler sous l'effet de la frustration. Comment avait-il pu se retrouver piégé ainsi, entre les désirs d'une famille manipulatrice et une vie qu'il n'avait jamais choisie ?
Il serra les poings. « Claire n'est pas la femme qu'il me faut. Vous le savez aussi bien que moi. »
« Ce n'est pas une question de compatibilité ou de sentiment », répondit Béatrice calmement. « C'est une question de survie familiale. Claire est belle, intelligente, et elle sait parfaitement ce qu'on attend d'elle en tant qu'épouse. Elle te conviendra très bien, une fois que tu auras accepté ton rôle. »
Alexis éclata d'un rire amer. « Vous parlez d'elle comme d'un produit ! C'est ça que vous voulez pour moi ? Une vie froide, calculée, sans la moindre étincelle de bonheur ? »
Béatrice esquissa un sourire glacé. « Le bonheur est un luxe, Alexis. Un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre. »
Lucien hocha la tête, approuvant les paroles de sa femme. « Si tu veux conserver tout ce que nous t'avons donné, tu devras faire des sacrifices. Accepter ce mariage en fait partie. »
Alexis baissa la tête, son esprit en ébullition. Il savait qu'il n'avait jamais vraiment eu de contrôle sur sa vie, mais cette fois-ci, c'était différent. Il ne pouvait pas simplement accepter cette décision comme il l'avait fait tant de fois auparavant. Cette fois, il sentait qu'il devait se battre.
Il releva les yeux vers ses parents, le regard dur. « Si je fais ça, je ne serai jamais heureux. Vous le savez, n'est-ce pas ? »
Béatrice haussa légèrement les épaules. « Le bonheur est éphémère. Le pouvoir, lui, est éternel. »
Alexis sentit son cœur se serrer. Il comprenait maintenant à quel point ses parents étaient prêts à aller loin pour protéger leur empire. Ils n'avaient jamais cherché à le rendre heureux ; ils voulaient juste un héritier docile et obéissant.
« Vous n'aurez jamais mon cœur », murmura-t-il.
Lucien sourit froidement. « Nous n'en avons pas besoin. Nous avons besoin de ton obéissance. »
Le silence retomba, lourd et oppressant. Alexis regarda une dernière fois ses parents, ces deux figures imposantes qui avaient façonné sa vie depuis l'enfance. Puis, sans un mot de plus, il tourna les talons et quitta le salon, le cœur battant à tout rompre.