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J&R Surnaturelles Adventures

J&R Surnaturelles Adventures

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Résumé

Table des matières

Yoltzin est un métamorphe issu d'un clan très ancien vivant dans la forêt d'Amazonie. Ryan est le fils d'un géant des pétrolières du sud profond des États-Unis. Quand ils seront confrontés l'un à l'autre, que se passera-t-il? (Ceci est le Tome 1: La peau du métamorphe)

Chapitre 1 J

J

En plein cœur de l'Amazonie, existait depuis la nuit des temps une tribu très ancienne appelée les Olmèques. Plusieurs légendes évoquaient leur capacité extraordinaire à se fondre dans la nature ou la finesse de leur intellect, qui auraient inspiré leur savoir-faire à de nombreux peuples tel que les Aztèques et les Mayas. Certains prétendaient qu'ils seraient originaires d'un autre monde, d'autres qu'ils seraient des descendants des dieux... cependant, à ce jour de cet été du très chaud mois de juillet de 1976, tous les croyaient disparus à tout jamais.

Pourtant, oui, pourtant... dans un secteur extrêmement reculé de la forêt d'Amazonie, subsistait un clan olmèque très ancien. Tous les matins, un jeune aborigène de ce clan devait descendre de la hutte de ses parents, qui se situait en hauteur dans les grands arbres, pour aller chercher de l'eau dans une source voisine de ce village ainsi dissimulé au regard des profanes. Comme d'ordinaire, il attrapa la corde du système de poulies qui servait à remonter les denrées vers leur habitation et il se laissa glisser à vitesse folle les 20 mètres de haut séparant son foyer du sol humide de la jungle épaisse.

Ce matin, une ravissante jeune fille de son village se leva tôt elle aussi et les deux adolescents d'une quinzaine d'années se croisèrent à la source d'eau. Ils échangèrent un regard complice. Izel était si jolie en fait qu'elle en devenait unique aux yeux du jeune autochtone. Elle avait un teint parfait et un visage gracile. Sur sa hanche droite, un tatouage arborait les traits d'un petit félin, un margay sans doute. Sur son épaule droite, un autre tatouage, de serpent à plumes celui-là, était un classique que l'autochtone lui-même possédait en cet endroit de son propre corps. Le petit tatouage de tarentule d'Izel enveloppait sa délicate cheville et lui donnait quant à lui un genre un peu mystérieux. Chaque fois qu'il observait les tatouages d'Izel, cela donnait envie au jeune autochtone de se frotter la peau jusqu'à faire disparaitre ce ridicule tatouage de tête de rat qu'il arborait quant à lui à sa cheville gauche ou de petit colibri riquiqui qu'il avait au poignet droit. La honte l'envahît et il baissa les yeux, se concentrant sur cette cruche d'eau qu'il devait remplir...

Dans l'eau du bassin, il put continuer d'observer le reflet magnifique d'Izel. Ses cheveux ce matin se trouvaient ornés d'une fleur aux délicats pétales roses entrecroisés. Sans doute était-elle tombée d'un des frangipaniers du secteur et qu'Izel l'avait ramassé en chemin pour la mettre dans ses cheveux... Izel faisait toujours ce genre de chose. Que dire de ses cheveux d'un noir profond, et ses yeux d'un brun si pur, comme ceux d'une gazelle! Si Ollin avait été présent, le vieux guérisseur de leur clan se moquerait de son jeune ami. Il lui dirait que presque toutes les femmes de leur clan avaient les yeux bruns et les cheveux noirs. Mais pour le jeune Olmèque, qui n'avait ni la grâce ni la beauté d'Izel, cette fille était absolument parfaite.

L'Olmèque se sentit brusquement si gauche et maladroit auprès de la fille du guerrier-jaguar le plus puissant de leur clan. Durant une partie du trajet du retour, il ne baragouina que des phrases idiotes. Pourtant, Izel chercha plusieurs fois à engager la conversation plus sérieusement. Ollin avait l'habitude de dire que les femmes de leur clan étaient bien plus entreprenantes que les hommes, qui quant à eux étaient de fieffés orgueilleux et de sacrés timides. Izel lui donna raison par son attitude envers le petit timide qui se trouvait près d'elle. En désespoir de cause, elle lui demanda si sa mère se portait bien. En effet, sa propre mère lui avait dit que Lupita était souffrante depuis quelque temps. Gêné, il lui marmonna que sa mère se portait beaucoup mieux, que cela n'était que de la fatigue passagère à la suite du nouvel apprentissage d'une transformation assez complexe, celle d'un scarabée... Les Scarabées étant tout petits, pour les maitriser, il fallait être un sacré nagual*, ce qui impressionna Izel. Puisqu'ils abordaient le sujet, elle osa poser la question qui la préoccupait:

— Alors, te sens-tu plus l'âme d'un guerrier-aigle comme ton père ou d'un jaguar comme ta mère? As-tu fait la méditation?

L'aborigène perdit toutes ses couleurs d'un coup. S'il avait trouvé son naualli? Non... Vraiment pas! Même que cette fichue méditation, il l'avait fait plusieurs fois, mais il ne voyait rien! Constatant son trouble, Izel s'immobilisa alors qu'ils approchaient du groupe d'habitations dans les arbres. Elle se planta devant son compagnon de route:

— Yoltzin! La longue nuit aura lieu dans trois jours! Tu devrais déjà avoir trouvé ta voie!

Ah oui? Et qui disait cela, hein? Les anciens, j'imagine! pensa son compagnon de route. Ne pouvait-il attendre un peu plus longtemps avant de procéder au rite de passage? Il ne se sentait pas du tout prêt!

— Mais justement, rien ne presse! Il me reste encore trois jours... Maugréa le beau brun aux yeux verts iridescents.

Izel lui déclara alors avoir trouvé sa propre voie depuis longtemps. Que, donc, cela lui semblait anormal! Il devrait consulter les anciens. Peut-être que c'était un mauvais présage! s'inquiéta la jolie fille. Blessé dans son orgueil,

l'autochtone fit la grimace:

— Ces superstitions sont stupides Izel, tu devrais le savoir! lui dit-il avec mauvaise humeur.

Non, mais! Pourquoi fallait-il toujours qu'il remette en question les croyances de leur peuple? se dit l'adolescente. La contournant, l'autochtone se remit en route avec ses deux seaux remplis d'eau. Dans les arbres, plusieurs autres s'éveillaient et un peu partout, des aborigènes sortaient des huttes pour secouer une paillasse ou aller cueillir des fruits juteux dans les arbres dans lesquels ils étaient perchés. Près de la hutte de sa propre famille, dans un des arbres voisins, Yuma, un autre garçon du clan du même âge qu'eux, observa de loin leur conversation. Il regarda son adversaire revenir vers sa hutte avec mauvaise humeur. Yuma était le fils du chef de leur clan, car son père en était le grand prêtre. Il considérait qu'Izel, la fille du maitre des guerriers-jaguars lui revenait de droit.

Mais notre ami ne se soucia guère de la jalousie de son semblable. Il attacha

soigneusement les seaux à la corde suspendue près du balcon de leur hutte, puis il se métamorphosa brusquement en petit oiseau. C'était une des facultés uniques à ce clan olmèque. Ils pouvaient changer d'apparence à leur guise. De par le monde, les légendes foisonnaient pour décrire ce qu'ils étaient: des naguals, des changelins, des métamorphes de grande puissance. Mais leur peuple avait l'habitude de dire qu'ils étaient des métamorphes et qu'ils suivaient la voie du nagual. C'était cette aptitude à se transformer, à osciller entre la nature humaine et la nature animale qui leur permettait le développement de pouvoirs extraordinaire, dont celui, avec le temps et avec l'âge, de tromper le plus grand des ennemis: la mort. Peu d'Olmèques y arrivaient, car cela n'était pas facile. Ça demandait de la pratique et beaucoup d'observation, mais surtout, une concentration hors du commun. Avant de parvenir à un tel niveau d'excellence, il fallait aux Olmèques suivre un parcours très éreintant. Bref, c'était le travail de toute une vie.

Yoltzin ne maitrisait jusqu'à présent que trois formes animales: celle du colibri,

celle du serpent et celle du rat, ce qui n'avait rien de bien glorieux. Tout de même, il eut une certaine prestance quand il prît la forme d'un colibri à col bleu pour voler jusqu'à la plateforme de leur cabane. Sous cette forme, il atterrit rapidement sur la petite galerie devant son habitation et reprit aussitôt son apparence, s'étirant avec majesté jusqu'à redevenir humain. Les Olmèques ne portaient aucun vêtement, car cela était encombrant pour les métamorphoses, mais ils arrivaient à les copier et les imiter très facilement contrairement aux animaux qui, étant des êtres vivants, demandaient une plus grande aptitude. Si ce métamorphe le désirait, il pourrait revêtir la robe de moine qu'arborait le prêtre de leur clan ou un de ces habits étranges qu'Ollin affichait en permanence. Mais comme la plupart de ceux de son clan qui n'avaient aucun rang social particulier, l'adolescent adopta le simple pagne imitant la peau animale.

Dans la hutte, sa mère avait fait des galettes de maïs sur la pierre chaude. Quand il entra dans la pièce principale de leur habitation, avec les seaux d'eau, elle lui fit un sourire taquin. Assis sur une paillasse dans un coin de la grande pièce ronde, Cóatl, le père de notre jeune ami, était un véritable monument. Sur son corps, il arborait plusieurs tatouages de styles traditionnels. Faits de courbes et de lignes rudes, les dessins qui étaient tatoués sur le corps des Olmèques constituaient une carte, montrant le chemin parcouru par chaque métamorphe. Dans son dos, sur son omoplate droite, un aigle formé de traits en zigzag représentait son naualli, sorte de double animal ou de fétiche si vous préférez. Cela était aussi la voie que suivait son père, la voie de l'aigle-guerrier. Son père arborait aussi bien évidemment le tatouage du serpent à plumes sur son épaule qui, de même que celui du jaguar, tenait une place toute spéciale dans leur culture. En effet, le métamorphe qui ne savait prendre la forme d'un serpent s'exposait très vite à devenir la risée de tout son clan, qu'il s'agisse d'une vulgaire couleuvre comme c'était le cas de Yoltzin ou un magnifique serpent de mer comme c'était le cas pour son père. Au fil des tatouages sur les biceps de son père, sur son torse et dans son dos, il était possible de deviner qu'il maitrisait plusieurs formes allant de la grenouille à l'ornithorynque, en passant par la panthère et même le chimpanzé ou le scorpion.

Cela faisait plus d'une centaine d'années que son père crapahutait dans la forêt d'Amazonie. Sa mère était au moins aussi âgée que lui, mais arborait moins de tatouages. Toutefois, il s'agissait dans son cas pour la plupart de grands prédateurs ainsi que d'insectes tels que des papillons ou de minuscules fourmis, car elle en avait la passion. Plus un métamorphe maitrisait des formes petites et complexes, plus on disait de lui qu'il était un grand nagual. C'était plus aisé lorsque le

métamorphe savait quel était son animal fétiche, car le naualli accordait puissance et vitalité au métamorphe. Sa mère, Lupita avait trouvé sa voie très rapidement, un peu comme Izel. Elle était une guerrière-jaguar et à ce titre, elle aimait le danger, les courses folles dans la forêt, la traque et la chasse... alors que Cóatl, son mari, était quelqu'un d'un peu plus réfléchit. Les parents de Yoltzin n'étaient en couple que depuis une cinquantaine d'années, et ne vivaient ensemble que depuis seulement 16 ans, peu avant la naissance de leur fils. Ce qui était dans leur clan considéré comme un jeune couple.

Pour le clan des Olmèques, notre ami n'était encore qu'un enfant à peine sorti du ventre de sa mère... Mais après la longue nuit, qui débuterait dans trois lunes, et qui s'étalerait sur 5 cycles, il n'en sera plus ainsi. En effet, durant la longue nuit, ce jeune métamorphe entreprendrait le début de son voyage initiatique pour le passage au monde adulte... À cette occasion, il quitterait son clan et, selon qu'il serait un guerrier-jaguar ou un guerrier-aigle, son chemin serait différent. Par la voie des airs, ou par la voie terrestre, il devrait explorer des recoins qui lui étaient encore inconnus de la forêt d'Amazonie. Il devrait y survivre seul et ne revenir que dans 5 cycles, quand il aurait enfin muri. Cela était une étape que tous les jeunes du clan redoutaient, car elle impliquait une vie solitaire... Personne, lui avait dit son père, n'était plus jamais le même après la longue nuit.

Mangeant en compagnie de ses parents, l'aborigène prit son temps, car il savait que bientôt il n'aurait plus la chance d'être en leur compagnie. Une fois le repas terminé, il se dépêcha tout de même de partir, car il devait se rendre dans la vallée, au pied de la chute de bruine sur les rives du bassin de celle-ci, de même que les autres adolescents de son clan. Il se changea donc en petit colibri pour arriver plus rapidement. Il se faufila entre les arbres de la forêt, battant des ailes, pour atteindre le bassin d'eau au pied de la cascade, dont la brume fraiche enivrait l'air matinal. Très vite, il reprit forme humaine avant même que ses petites pattes d'oiseaux ne touchent le sol. Assis sur un rocher, Yuma, un adolescent de taille moyenne maigre et gracile tout comme les autres, s'amusait à fouetter les herbes hautes avec un roseau, tout en patientant que le guérisseur ne les y rejoignent. Il n'y avait pas beaucoup de jeunes de leurs âges dans leur clan. Il n'y avait en fait que Zyanya, une vraie pimbêche, Acoatl, le meilleur ami de Yuma ainsi que Yoltzin, notre ami, et enfin Izel. Les enfants se faisaient rares dans le clan des métamorphes à cause de leur longévité.

Tous amassés au bord du bassin d'eau, ils attendirent l'arrivée du guérisseur, qui était aussi leur maitre-morphiste, car il était le plus puissant et aussi le plus âgé des naguals de leur clan. On racontait qu'il arrivait à maintenir n'importe quelle apparence sans avoir jamais à revenir à sa forme naturelle pour se reposer! Ce qui était un grand exploit, car cela signifiait qu'il pouvait tromper la mort! À la droite de Yoltzin, Izel n'osait regarder notre jeune ami, car elle sentît bien qu'elle l'avait blessé ce matin. Le métamorphe évita lui aussi son regard et se concentra sur la chute d'eau de plus d'une vingtaine de mètres de haut. Comme il aimerait soudain prendre la fuite, et s'éloigner de cette bande de jeunes parmi lesquels très souvent il se sentait à part... Il prendrait la forme d'un grand aigle royal, il volerait le long de la cascade pour remonter jusqu'au sommet et suivre le cours d'eau jusqu'au grand fleuve et là, il filerait en droite ligne pour explorer le monde des humains! Parfois, son clan trop petit et trop familier lui donnait de puissants désirs d'évasion.

— Ah! Mais qu'est-ce que ce vieux singe fait qu'il n'arrive pas! se plaignit fortement Yuma, brisant le silence.

Dans un arbre, un perroquet répéta spontanément sa phrase et la scanda de sa voix discordante. La bande de jeunes se mit spontanément à rire, reconnaissant la forme classique que prenait Ollin. Yuma s'était fait avoir en beauté! En fait, Ollin les observait depuis un bon moment. À présent, le maitre papillonnait autour d'eux, comme un oiseau de malheur... Ollin était un drôle d'oiseau. Il était si vieux que sa peau en était pleine de tatouages sur l'entièreté de son corps, ce qui comprenait jusqu'à cette tête aux yeux verts pétillants et aux cheveux courts hirsutes. Cependant, il ne paraissait avoir que la trentaine en raison de leur talent de métamorphe pour masquer les imperfections... Yoltzin et les autres doutaient qu'il existe une forme animale que ne sache adopter l'ainé des anciens de leur clan. Ollin ne s'habillait pas non plus comme les autres. Il portait toujours cette espèce de vieux pantalon qu'il appelait un jean et cette camisole toute crasseuse surmontée de ce qu'il disait être une chemise hawaïenne toute grande ouverte. Pour couronner le tout, le petit maigrichon chaussait ces espèces de sandales en caoutchouc jaune-serin dont il disait que les humains aimaient les porter lorsqu'ils se prélassaient sur les plages du littoral.

Ollin était un des rares membres de leur clan qui avait voyagé dans le monde des hommes. Il en était revenu avec ce que les autres anciens de leur clan qualifiaient de mauvaises habitudes, par exemple de se vêtir de cette façon ou de boire de ce tord-boyau fait maison qu'il distillait en cachette dans la forêt... Une fois, Yoltzin et d'autres jeunes du clan avaient trouvés Ollin complètement ivre, errant en sous-vêtements dans les bois et chantant de drôles d'airs...

— Oh let me be... your Teddy bear! Elvis... Le king! fredonnait-il, leur évoquant ce roi d'une contrée bizarre appelée Rock And Roll.

Avec son amie Izel, le métamorphe l'avait reconduit jusqu'à sa hutte et, en l'y couchant, s'était juré de ne jamais toucher à cette boisson humaine qui semblait avoir des effets néfastes sur les métamorphes. Yoltzin et Izel étaient ensuite repartis de la hutte du guérisseur en imitant ses faits et gestes, riants aux éclats. Les deux métamorphes n'avaient jamais vu de personne ivre dans leur clan, hormis Ollin, qui parfois s'en donnait à cœur joie. Le métamorphe sourit, revoyant la scène dans son esprit alors qu'atterrissant au milieu de ses apprentis, le

perroquet reprît son apparence humaine de petit maigre aux allures excentriques. Se faisant, Ollin les sermonna vertement. S'il avait été un jaguar puissant, une panthère sournoise... ou pire: un humain! Il les aurait tous massacrés. Comme au bon vieux temps... Cela avait débuté avec les tribus locales, qui les chassaient en croyant ainsi pouvoir s'attribuer leur pouvoir et qui se faisaient des grigris avec leurs ossements... Sans compter les Amazones, qui les avaient longtemps considérés comme de la petite vermine qu'il fallait éradiquer... Des envahisseurs venus d'un autre monde! Il y avait aussi eu le bon vieux temps des conquistadors... Et de manière plus intemporelle, il y avait les chasseurs, qui tuaient sans merci toute créature surnaturelle, ce qui n'était guère mieux, leur rappela le guérisseur comme dans tous ses cours précédents! En effet, cela aurait été facile pour un humain, un chasseur par exemple, de les attraper ce matin, car ils n'étaient même pas sur leur garde. Avec une attitude comme celle-là, ils ne passeraient pas un seul jour dans la jungle, qu'ils se seraient fait dévorer par un crocodile ou mordre par un serpent!

Ollin demanda pour la millième fois aux jeunes pour quelle raison les Olmèques vivaient ainsi, cachés dans la forêt, déplaçant leur village sans arrêt, ne restant jamais plus d'un an au même endroit... alors qu'auparavant ils avaient été une civilisation florissante dont les ruines s'étendaient du Mexique en passant par le Guatemala, jusque même au Costa Rica. La bande de jeunes baissa automatiquement les yeux au sol. Tous connaissaient très bien la réponse. Ils avaient été chassés, persécutés et même presque exterminés. Tout cela pourquoi? Par avidité et aussi pour le plaisir. Le plaisir de chasser et de tuer un métamorphe. Le désir d'accaparer son pouvoir, ses richesses, son savoir. Les humains étaient des êtres profondément mauvais, avides de richesse et de pouvoirs. Il fallait donc les éviter à tout prix, disaient continuellement les anciens de leur clan. Même si Ollin ne détestait pas les humains comme bon nombre d'entre eux, il ne ratait tout de même jamais une occasion de mettre ses élèves en garde.

Ce matin, il n'y fit pas exception:

— Dans trois nuits, vous partirez pour votre grand voyage, à la découverte de vous-même. Vous vous engagerez enfin sur la voie du nagual, et à la fin de ce parcours initiatique, vous serez transformé... Vous serez plus puissant, plus aguerri... Cependant, certains d'entre vous risquent de croiser des humains. Vous devrez donc être d'une grande prudence... Au court du siècle dernier, les guerriers-jaguar et les guerriers-aigles ont toujours su échapper aux humains, sans qu'une seule goutte de sang soit versée. Ni le nôtre ni le leur! Cela parce que nous nous déplaçons sans cesse et que nous sommes rusés! Vous aussi vous devrez faire preuve d'une telle agilité, d'une telle prudence et surtout de sagesse. Pour cela, il vous faudra donc demeurer aux aguets. Ou sinon, cette longue nuit risque d'avoir un sens très définitif pour chacun de vous!

Une fois son discours terminé, Ollin leur demanda si chacun d'eux avait trouvé sa voie. Notre jeune ami s'efforça de se faire discret alors que chacun répondait avec enthousiasme. Pour les uns c'était le jaguar, pour les autres c'était l'aigle, aucun ne nomma le serpent, ce qui était un signe de prédestination. Ollin ne s'étonna pas, car il était très rare qu'un membre du clan en cherchant son naualli tombe sur le serpent. Comme son ami ne dit rien de son problème, Izel se décida à parler à sa place:

— Mais Ollin... et si jamais l'un de nous n'a pas trouvé son naualli avant la Yohualtzin?

Elle évoquait la longue nuit, celle de leur départ. En face d'elle, Ollin haussa les épaules et lui répondit d'un air indifférent:

— Cela voudra dire qu'il n'en a pas, ou alors que son naualli n'est pas encore prêt à venir à lui...

— Mais comment est-il possible de ne pas avoir de naualli? s'exclama Yuma, qui trouvait cette idée effrayante.

Sans double animal, il était impossible de s'engager sur la voie du nagual il me semble non? Le guérisseur sembla en penser tout autrement quand il lui répondit d'un air amusé que lui-même n'avait pas de naualli et qu'il ne s'en portait pas plus mal. Comme il était le plus grand des naguals de leur clan... il aurait été bien difficile à Yuma de le contredire. Izel s'exclama vivement qu'alors, cela voulait peut-être dire que cette personne aurait un grand destin, tout comme leur guérisseur!

— Je ne crois pas, Izel, que de devenir guérisseur soit un grand destin... non, je dirais que c'est plutôt une malédiction, argumenta alors Ollin sur un ton plus que sarcastique.

Autrement dit, ceux qui n'avaient pas de naualli devenaient aussi mabouls que lui, chuchota Yuma à son meilleur ami, ce qui fit bien rire le reste de la bande. Tous, sauf Izel, qui s'efforça d'éviter de regarder en direction de Yoltzin, pour ne pas vendre la mèche. Mais cela fit au contraire comprendre au guérisseur qu'il s'agissait du jeune freluquet. Le métamorphe se rembrunit, tapant quelques cailloux du bout du pied. Ollin feignit de ne pas avoir entendu le commentaire de Yuma, un jeune prétentieux. Puisqu'ils affirmaient tous avoir trouvé la voie qui était la leur, Ollin leur ordonna sans tarder de passer les prochains jours dans la forêt des environs, à traquer et observer leur naualli jusqu'à ce qu'ils ne fassent plus qu'un avec lui. Avant qu'ils ne partent, il leur spécifia que c'était de cette connaissance de leur double animal que dépendrait leur survie des 5 prochains cycles et même davantage s'ils mettaient plus de temps à revenir vers leur clan.

Certains devinrent anxieux à cette évocation. L'idée qu'il leur faille plus de 5 années pour retrouver les membres de leur clan les effrayait sans qu'ils osent le montrer. Quittant les lieux, certains avalèrent de travers, ruminant cette perspective... il leur fallait maitriser le plus possible leurs transformations avant leur départ et ils en étaient conscients. Comme les autres se dispersaient dans la forêt, Ollin interpela notre jeune ami. À contrecœur, le métamorphe rebroussa chemin et revint en sa direction.

— Tu n'as pas encore trouvé ton naualli n'est-ce pas?

— Quelle perspicacité, ironisa le jeune métamorphe, c'est Izel qui t'a mis sur la piste? ajouta-t-il avec amertume.

Ollin ignora sa mauvaise humeur:

— Ce n'est pas grave Yoltzin, cela doit vouloir dire que ton naualli appartient à une espèce bien particulière. Si tu marches, tu finiras par le découvrir... je veux que tu marches dans la jungle environnante jusqu'à ce que tu l'aies trouvé...

Son élève le dévisagea avec irritation:

— Et si je ne le trouve pas d'ici la Yohualtzin? lui rétorqua-t-il, visiblement défaitiste.

Ollin haussa les épaules:

— Alors cela voudra simplement dire que ta voie sera différente des autres. Mais à tout le moins, cela te mettra en contact avec les esprits de la nature... peu importe ceux que tu rencontreras, même si tu ne trouves pas ton naualli parmi eux, tu auras au moins ajouté quelques cordes à ton arc, par ces transformations supplémentaires...

Après tout, pensa le métamorphe, Ollin avait raison. N'importe quelle autre transformation, lui serait cent fois plus utile dans ce monde sauvage, que celle du rat, de la couleuvre ou du colibri! Plissant les yeux Ollin regarda le jeune métamorphe s'enfoncer dans la jungle d'un air résigné. Oui... celui-là était spécial... très spécial. Mais en quoi!? Seuls les esprits sauraient le dire!

* Nagual ou Nahual [prononcé na-wal] chez les mésoaméricains était un être à la double nature humaine et animale

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