Son corps répondit malgré elle. Le désir s'imposa, l'envahissant jusqu'à l'empêcher de résister. Elle en voulait davantage, ses soupirs étouffés échappant à ses lèvres, ce qui attisait encore plus l'ardeur de l'homme. La nuit devint un tourbillon de plaisir, si intense qu'elle en perdit le compte. Mais, épuisée, elle finit par lui demander d'arrêter, trop lasse pour continuer. Sa dernière vision fut sa main caressant doucement sa joue avant qu'elle ne sombre dans l'inconscience.
Le jour pointait quand de violents coups frappèrent à la porte. Anny ouvrit difficilement les yeux. L'endroit où elle se trouvait n'avait rien de familier. À sa stupéfaction, ce n'était pas la chambre nuptiale où elle aurait dû être.
La veille, elle avait épousé Maet Wellson. La fête avait été somptueuse, et Anny, entraînée par l'ambiance et les toasts successifs, avait bu plus que de raison. Le dernier verre, offert par sa meilleure amie Gracia Wilde, avait brouillé tous ses souvenirs. Le reste de la nuit s'effaçait dans un flou inquiétant.
Avant qu'elle n'ait le temps de réfléchir, elle remarqua sa robe de mariée froissée et déchirée au sol. Elle la remit à la hâte, malgré la douleur sourde qui la parcourait. Mais elle n'eut pas le temps d'ajuster le tissu : des journalistes firent irruption, suivis de près par Maet.
Les flashs des caméras l'éblouirent. Instinctivement, Anny tendit la main vers son mari, cherchant un appui. Mais il la repoussa sèchement.
- Anny Meller... À peine quelques heures de mariage et déjà dans le lit d'un autre. Espèce de garce !
Il avança et la gifla si violemment que le bruit claqua dans la chambre.
- Maet !
Le choc la laissa sans voix. Sa joue brûlait, gonflant sous le coup. Elle porta la main à son visage, tentant de comprendre.
- Tu étais censée me rejoindre hier soir. Je t'ai attendu toute la nuit, expliqua-t-il avec colère. Et toi, tu étais occupée à te donner à un inconnu.
Gracia s'approcha alors, un sourire perfide au coin des lèvres. Elle jeta des photos aux pieds d'Anny. Tremblante, cette dernière ramassa les clichés. Son visage se figea en découvrant les images : elle y apparaissait, nue, en plein acte. L'homme sur la photo n'était pas Maet.
- Qu'est-ce que... Comment ça a pu arriver ? balbutia-t-elle, abasourdie.
- Je peux t'expliquer, Maet, supplia-t-elle en se redressant. Laisse-moi t'expliquer !
Mais rien ne venait. Le trou noir de ses souvenirs l'étouffait.
Maet la coupa, le regard empli de dégoût :
- On en reste là. Je veux divorcer.
Il sortit des papiers déjà prêts et les lança vers elle. Ces mots, plus que la gifle, la poignardèrent en plein cœur. Il ne la regardait même plus.
- Tu ferais mieux d'accepter, ajouta Gracia d'un ton faussement compatissant, bien que son sourire trahisse sa satisfaction.
Anny, secouée, comprit soudain. Le vin... Gracia... Elle se tourna vers elle, furieuse :
- C'est toi qui as monté ce piège ?!
Elle tenta de l'atteindre, mais Maet l'arrêta brusquement. Il la repoussa si fort qu'elle bascula contre la table avant de s'écrouler au sol. Les larmes brouillèrent sa vue.
- Qu'est-ce que tu attends ? Signe ! hurla-t-il.
Gracia posa une main possessive sur le bras de Maet, un rictus de triomphe aux lèvres. Anny les observa avec une rage glaciale.
- Maet Wellson, je ne signerai pas, lança-t-elle en jetant les papiers à leurs pieds.
- Tu crois avoir le choix ? répliqua-t-il. Si tu refuses, ces photos se retrouveront en première page. Ton père saura tout.
Ces mots la figèrent. La faillite récente de la société familiale, l'infarctus de son père, l'avertissement des médecins... Si son père apprenait une telle humiliation, il n'y survivrait pas.
Elle serra les poings, déchirée entre sa dignité et l'amour qu'elle portait à son père. Son regard croisa celui de Maet, et elle ne vit plus que trahison.
- Très bien, céda-t-elle, la voix brisée. Je signe.
Sans lire les conditions, elle apposa sa signature. Peu importait les conséquences. Sauver son père passait avant tout.
- N'oublie pas tes affaires dans la chambre, lança Maet avec un rictus.
- Jette-les. Je ne veux rien garder.
Le menton relevé, Anny se força à sortir, bousculant les journalistes. Mais dans sa tête, tout n'était que douleur et vacarme. Elle ne jeta pas un regard en arrière, refusant d'offrir à Maet et Gracia la moindre satisfaction.
Anny fut aveuglée par la lumière en sortant du bâtiment. Elle franchit le seuil trop vite et se retrouva face à une voiture qui arrivait droit sur elle. Son corps heurta brutalement l'avant du véhicule et elle s'écroula aussitôt sur le bitume.
- Qu'est-ce qui se passe ? demanda une voix grave, calme et envoûtante depuis l'arrière de la voiture.
- Je crois qu'on vient de percuter quelque chose... ou quelqu'un. Je vais voir, répondit le chauffeur, qui n'avait pas eu le temps de distinguer la scène.
Le passager resta immobile, silencieux, pendant que son conducteur ouvrait la portière et descendait précipitamment. Anny gisait sur le sol, étourdie, le souffle court, une douleur sourde lui vrillant le dos. Son vertige et la rage qui lui serraient la poitrine s'évanouirent, remplacés par une souffrance plus vive encore.
- Madame, vous allez bien ? s'inquiéta le chauffeur, nerveux, en la voyant grimacer.
Elle ne répondit pas. Tremblante, elle tenta de se redresser mais ses forces l'abandonnaient. Voyant qu'elle peinait, l'homme s'accroupit aussitôt pour l'aider. Elle finit par s'adosser au flanc de la voiture, haletante, et, l'esprit encore embrumé, songea à l'incroyable malchance qui la poursuivait depuis la veille.
En moins d'une journée, elle avait couché par erreur avec un inconnu, son mari - ou plutôt son ex, désormais - l'avait surprise et avait profité de la situation pour la pousser au divorce dès le premier jour de leur mariage. Et voilà qu'à présent, une voiture l'avait renversée. La colère refit surface. Sans réfléchir, elle donna un grand coup de pied dans la carrosserie. Le choc résonna, et un soulagement soudain la traversa. Ça faisait du bien. Tellement, qu'elle leva de nouveau la jambe, prête à recommencer.
Mais la vitre côté passager s'abaissa dans un léger vrombissement, dévoilant un visage. Pas seulement séduisant. Magnifique. D'un éclat presque irréel. Elle en resta figée. Maet, qu'elle avait toujours cru être l'homme le plus attirant de sa vie, paraissait désormais banal en comparaison. Cet inconnu le surpassait sans effort.
- Si elle a assez d'énergie pour frapper la voiture, c'est qu'elle n'a rien de grave, lâcha-t-il froidement. Donne-lui de l'argent et qu'elle s'en aille.
Ses mots glacials mirent le feu à la colère d'Anny. Elle regretta de ne pas avoir martelé encore davantage cette fichue portière.
- Tu te crois au-dessus de tout le monde ? cria-t-elle, le doigt pointé vers lui. Ta richesse, ta voiture, rien de tout ça ne me fait peur ! Ton argent ne m'achètera jamais !
Mais l'homme détourna le regard, remonta sa vitre sans lui accorder plus d'attention.
- Madame, prenez l'argent et partez, insista le chauffeur, mal à l'aise. Mon patron est pressé. Servez-vous de ça pour consulter un médecin.
Il sortit une liasse épaisse de billets et la lui tendit. Anny arracha l'argent, serra les dents... puis, brusquement, ouvrit la portière arrière. Elle balança toute la somme à la figure de l'homme avant de tourner les talons et de s'élancer en courant.
Roland Cooper cligna des yeux, surpris. Les billets flottaient autour de lui et tombaient sur ses genoux, ses épaules, son visage. Il avait cru qu'elle voulait le remercier... au lieu de quoi elle venait de l'humilier.
- M... Monsieur, ça va ? bredouilla le chauffeur, pâle d'effroi.
Roland balaya les billets de ses mains avec nonchalance, puis, impassible, dit simplement :
- Ramasse ça.