Il m'a humiliée publiquement, me laissant nue et exposée pendant que son véritable amour me traitait de traînée. Mes sept années de dévotion ont été anéanties par l'homme que je prenais pour mon sauveur.
Mais alors que les flashs des appareils photo m'aveuglaient, Éric Valois, l'homme que je devais détruire, a protégé mon corps des regards du monde entier.
Il m'a regardée, son expression indéchiffrable, et a fait une annonce qui a scellé mon destin.
« Nous allons nous marier. »
Chapitre 1
« Tu m'appartiens », m'avait dit le vieil homme du syndicat, ses yeux troubles balayant mon corps tremblant. « Mais ce visage, ce corps... ce n'est pas pour des mecs comme nous. C'est une arme. Un cadeau pour quelqu'un de beaucoup, beaucoup plus important. »
C'était il y a sept ans.
Le lendemain, on m'a lavée, habillée avec des vêtements qui valaient plus que la totalité des dettes de ma famille, et livrée comme un colis au penthouse de Damien Beaumont.
Le roi sans couronne de Lyon.
J'étais terrifiée. Les histoires qui couraient sur lui étaient dignes des pires cauchemars, murmurées dans les coins sombres de la pègre dans laquelle j'avais été jetée. On disait qu'il était impitoyable, sans cœur, un prédateur en costume sur mesure.
Mes mains étaient moites, mon cœur battait contre mes côtes si fort que j'ai cru qu'il allait s'en échapper. Le penthouse était silencieux, caverneux, les baies vitrées montrant une ville qui scintillait comme une galaxie d'étoiles déchues. Une ville qui ressemblait maintenant à une cage.
Il était assis dans un fauteuil en cuir, un verre de liquide ambré à la main, les glaçons tintant doucement alors qu'il le faisait tourner. Il ne m'a pas regardée. Il se contentait de fixer les lumières de la ville.
« S'il vous plaît », ai-je murmuré, ma voix à peine audible. « S'il vous plaît, je peux travailler. Je peux faire n'importe quoi. Juste... pas ça. »
Mon estomac se tordait dans un mélange écœurant de peur et de bile. L'idée de ses mains sur moi, de ce qu'on attendait de moi, me donnait la chair de poule. J'ai senti une vague de nausée si intense que j'ai dû déglutir difficilement pour ne pas vomir sur le sol en marbre immaculé.
Damien a finalement tourné la tête. Ses yeux, de la couleur d'un whisky fumé, se sont posés sur moi, lentement, avec dédain. Il n'y avait aucune pitié en eux. Aucune chaleur. Seulement une sorte d'évaluation glaçante, comme un homme regardant une nouvelle œuvre d'art qu'il venait d'acquérir.
Il a posé son verre avec un léger clic et s'est levé. Il était plus grand que je ne l'avais imaginé, sa présence remplissant la pièce, aspirant tout l'air. Il a marché vers moi, chaque pas délibéré, prédateur.
J'ai tressailli quand il a tendu la main, ses longs doigts élégants écartant une mèche de cheveux de mon visage. Tout mon corps s'est raidi.
« Tu trembles », a-t-il observé, sa voix un baryton grave et suave qui n'offrait aucun réconfort. Il m'a saisi le menton, me forçant à le regarder. « Ne tremble pas. »
La force de sa prise a envoyé une décharge de douleur et de terreur à travers moi. Des larmes ont rempli mes yeux, brouillant son visage incroyablement beau et terrifiant de froideur.
« Ne t'inquiète pas », a-t-il dit, et le coin de sa bouche s'est relevé dans un sourire qui n'a pas atteint ses yeux. « Je prendrai bien soin de toi. Tu es à moi maintenant. » Son pouce a caressé ma lèvre inférieure, un geste à la fois intime et totalement envahissant. C'était comme être marquée.
Il s'est penché plus près, ses lèvres frôlant mon oreille. « Dis-moi, Alexa », a-t-il murmuré, sa voix tombant dans un chuchotement conspirateur qui a envoyé une nouvelle vague d'effroi à travers moi. « Entre Éric Valois et moi... lequel de nous deux est le meilleur au lit ? »
La question, si bizarre et déplacée, est restée en suspens entre nous, présage d'une réalité que je ne pouvais pas encore comprendre.
C'était le début.
Tout a commencé parce que j'étais naïve. Fraîchement sortie de la fac, un diplôme dans une main et une pile de factures médicales de ma mère dans l'autre, assez haute pour me noyer. J'ai accepté un poste publié sur un forum universitaire : « Assistante de direction pour un investisseur privé. Salaire lucratif. Discrétion requise. »
Je pensais que c'était mon ticket de sortie d'une dette paralysante.
Au lieu de ça, c'était un aller simple pour l'enfer. L'« investisseur privé » était une façade pour l'un des plus petits syndicats du crime de Lyon. Ils se fichaient de mon diplôme. Ils se souciaient de mon visage, de mon obéissance et du fait que j'étais désespérée.
L'endroit où ils nous gardaient était une cave humide et sans lumière qui sentait le moisi et la peur. Nous étions des marchandises, des filles attendant d'être vendues, utilisées ou brisées.
Une nuit, un client ivre, l'un des sbires de second rang du syndicat, a décidé qu'il ne voulait pas attendre son tour. Il m'a coincée dans un coin, son haleine chaude et puant le whisky bon marché. Il a déchiré le tissu fin de ma chemise, ses mains rugueuses m'agrippant.
« Jolie petite chose », a-t-il bredouillé en me poussant contre le mur froid et humide. « Trop bien pour nous, hein ? Voyons voir ce que tu as dans le ventre. »
Un cri s'est logé dans ma gorge, étouffé par la pure terreur. Mon esprit s'est vidé. C'était ça. C'était la fin du peu de dignité qu'il me restait. Mon âme avait l'impression de se briser, un cristal fin se fissurant sous une pression immense.
Puis, la porte de la cave s'est ouverte dans un fracas.
La pièce est devenue silencieuse. L'homme qui me tenait s'est figé.
Une silhouette se tenait dans l'embrasure de la porte, dégageant une aura d'autorité absolue.
« Lâche-la », a ordonné une voix, basse et mortellement calme.
Le sbire s'est écarté de moi comme si j'étais en feu. Il est tombé à genoux, la tête baissée. « Monsieur Beaumont, je... je ne savais pas qu'elle était... »
« Elle l'est maintenant », l'a coupé la voix. Un simple signe de la main, et deux hommes en costume noir se sont avancés, traînant le sbire gémissant. Le silence qui a suivi était plus terrifiant que les cris.
C'était la première fois que je le voyais. Damien Beaumont.
À Lyon, son nom était une légende. Pour le public, il était Damien Beaumont, l'énigmatique PDG du Groupe Beaumont, un magnat philanthrope dont le visage ornait les couvertures des magazines économiques.
Mais dans la pègre, il était simplement « Le Patron ». Le prédateur au sommet de la chaîne alimentaire. L'homme qui possédait les ombres de la ville. Il régnait d'une main de fer, son influence si vaste qu'on disait pas un seul euro sale ne bougeait à Lyon sans son approbation silencieuse. Il était charismatique, impitoyable et totalement intouchable.
Il était venu recouvrer une dette et était tombé sur moi à la place. Une marchandise en détresse.
Je me suis relevée en vitesse, agrippant les restes déchirés de ma chemise, tout mon être consumé par un besoin primaire de survivre. J'ai couru vers lui, tombant à ses pieds, mes doigts s'agrippant désespérément à l'ourlet de son pantalon coûteux.
« S'il vous plaît », ai-je supplié, le mot arraché de ma gorge. « Emmenez-moi avec vous. S'il vous plaît. »
Il a baissé les yeux sur moi, son expression indéchiffrable. Et à ce moment-là, il est devenu mon sauveur.
Pendant sept ans, j'ai vécu dans son ombre. Je suis devenue plus qu'une simple femme qui réchauffait son lit. Je suis devenue son outil le plus indispensable. J'ai appris à naviguer dans les courants dangereux de son monde, à gérer ses affaires illicites avec sang-froid et efficacité. J'ai tenu ses comptes, ceux écrits avec du sang et des secrets. Je me suis interposée entre lui et les balles de ses ennemis. Je suis devenue son bouclier, sa confidente, son agent le plus fiable.
Et, idiote que j'étais, je suis tombée amoureuse de lui.
J'ai confondu sa possessivité avec de la protection, son contrôle avec de l'attention. Il m'a offert une vie de luxe, m'a couverte de diamants et m'a protégée de la laideur du monde qu'il commandait. En retour, je lui ai donné ma loyauté, mon corps et mon cœur.
Tout le monde dans son cercle croyait que j'étais différente. Ils voyaient la façon dont ses yeux me suivaient, la façon dont il me laissait entrer dans son bureau privé quand personne d'autre n'y était autorisé. Ils chuchotaient que je serais celle qui deviendrait enfin Madame Beaumont.
Je le croyais aussi.
Jusqu'à la nuit dernière.
Après une nuit de passion torride, alors qu'il me tenait dans ses bras, son corps encore moite de sueur, sa respiration se calmant contre mes cheveux, il est soudainement devenu froid.
Il s'est écarté, s'asseyant sur le bord du lit, son dos un mur de muscles rigide.
« Alexa », a-t-il dit, sa voix dépourvue de la chaleur qu'elle avait quelques instants auparavant. « J'ai un travail pour toi. »
Je me suis assise, un nœud d'inquiétude se serrant dans mon estomac. « Qu'est-ce que c'est ? »
Il s'est tourné vers moi, ses beaux traits dans l'ombre, ses yeux tenant une cruauté familière et glaçante. « Je veux que tu séduises Éric Valois. »
Mon monde, que j'avais si soigneusement construit autour de l'illusion de son amour, s'est brisé en un million de morceaux.
Il ne s'est pas arrêté là. Il a exposé le plan avec une précision froide. Je devais me rapprocher d'Éric Valois, son grand rival en affaires comme dans le crime. Je devais devenir l'amante d'Éric, créer un scandale public si explosif qu'il ferait la une de tous les journaux de Lyon.
« Pourquoi ? » Le mot était un son brut, blessé.
La mâchoire de Damien s'est crispée. « Parce que Camille est obsédée par lui. Elle pense que c'est une sorte de héros romantique. Je veux briser cette illusion. Je veux qu'elle le voie pour ce qu'il est : juste un autre homme qu'on peut faire tomber. Quand elle aura le cœur brisé, quand son fantasme sera détruit... elle viendra enfin à moi. »
Camille de La Roche. La première mondaine de la ville, l'héritière gâtée et naïve de l'empire de La Roche. La « lune blanche » de Damien. La femme qu'il poursuivait depuis des années, la seule femme qui le rejetait constamment, son cœur fixé sur le seul homme que Damien ne pouvait pas vaincre : Éric Valois.