Elle avait attendu ce moment des semaines, peut-être des mois. L'enfermement, la servitude, la menace constante de la mort... Tout cela avait nourri sa rage, aiguisé son instinct de survie. Elle n'était plus cette femme brisée qu'ils avaient achetée, qu'ils avaient voulu soumettre. Elle était en vie, et elle comptait le rester.
Les lumières du hangar étaient encore visibles derrière elle, projetant des ombres menaçantes sur le bitume fissuré. Elle n'avait pas beaucoup de temps. Son cœur battait à une vitesse folle tandis qu'elle s'élançait vers les véhicules garés à la hâte près de l'entrée. Elle ne savait pas combien de temps elle avait avant que l'alerte soit donnée, mais c'était sa seule chance.
Elle avisa une vieille berline aux vitres teintées, abandonnée par l'un des gardes. Son souffle tremblant se mua en une prière muette. Ses doigts fébriles fouillèrent sous le pare-soleil. **Rien.** Putain. Elle fit le tour du véhicule, vérifiant sous les sièges, dans la boîte à gants. Toujours rien.
Derrière elle, une voix s'éleva :
- **Elle est là !**
Sienna sursauta et son regard accrocha l'homme qui venait d'apparaître dans l'encadrement de la porte du hangar. Grand, massif, son visage durci par la violence d'une vie passée à tuer. Il portait une arme et s'élança vers elle. **Son temps était écoulé.**
Elle plongea la main sous le tableau de bord et tira d'un coup sec sur les fils exposés. Son père lui avait appris à voler une voiture quand elle était gamine. Ce savoir, qu'elle avait autrefois méprisé, lui sauva la vie à cet instant précis. Elle fit contact entre les fils et le moteur rugit à la vie.
Sans attendre, elle se jeta derrière le volant, claqua la porte et appuya sur l'accélérateur.
Les pneus crissèrent sur le sol poussiéreux tandis que la voiture bondissait en avant, manquant de peu d'écraser son poursuivant. Des balles sifflèrent, brisant la vitre arrière dans un fracas assourdissant. Sienna hurla, se tassant contre le siège, ses doigts crispés sur le volant.
Elle ne ralentit pas. Elle ne pouvait pas.
La route se déploya devant elle, sombre et déserte, bordée d'entrepôts abandonnés et de terrains vagues où s'amoncelaient les restes d'une industrie oubliée. **Elle n'avait aucune idée d'où elle allait.** Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle devait mettre le plus de distance possible entre elle et ses poursuivants.
Mais la liberté n'était pas aussi simple.
Derrière elle, des phares jaillirent dans la nuit. Une, deux, **trois** voitures. Ses doigts se crispèrent sur le volant, son cœur tambourinant dans sa poitrine. Ils ne la laisseraient pas s'enfuir si facilement.
Sienna accéléra, ses yeux cherchant frénétiquement une échappatoire. La route était droite, sans aucun virage immédiat pour les semer. Elle était trop loin de la ville, trop près du territoire ennemi.
Un coup de feu éclata.
Le rétroviseur explosa en mille morceaux, un frisson glacé dévalant sa colonne vertébrale. Elle sentit son bébé bouger violemment en réponse au stress, et son ventre se contracta douloureusement. **Pas maintenant...**
Les phares derrière elle se rapprochaient.
Sienna se mordit la lèvre jusqu'au sang, refusant de céder à la panique.
Devant elle, une bifurcation apparut. À gauche, une route plus large, probablement une autoroute menant vers la ville. À droite, un sentier cabossé menant vers une forêt dense.
Elle prit sa décision en une fraction de seconde.
Elle donna un coup brutal sur le volant et s'engagea sur le chemin de terre, soulevant un nuage de poussière derrière elle. La berline tressauta violemment sur les cailloux, manquant de la faire perdre le contrôle. Elle sentit une douleur fulgurante dans son ventre, mais elle l'ignora.
Derrière elle, les voitures poursuivantes hésitèrent une seconde avant de s'engager à leur tour.
**Ils n'abandonneraient pas.**
Elle serra les dents et força la voiture à aller plus vite, les roues glissant dangereusement sur le sol meuble. Les arbres se resserraient autour d'elle, formant un tunnel d'ombres et de ténèbres.
Un craquement sinistre résonna.
Une des roues percuta une souche dissimulée sous les feuilles, envoyant la voiture en embardée. **Elle perdit le contrôle.**
Le monde bascula.
Un choc brutal la propulsa en avant, la ceinture la retenant de justesse. La berline dérapa, heurta un arbre, et s'immobilisa dans un crissement de métal.
Le silence tomba, assourdissant.
Sienna haleta, son front contre le volant, une douleur sourde irradiant tout son corps. Son ventre... **Mon Dieu, mon bébé.**
Elle leva une main tremblante et la posa sur son ventre. Pas de sang. Un soulagement la traversa, mais elle n'eut pas le temps de se rassurer.
Les moteurs derrière elle rugirent à travers la nuit.
Elle devait bouger. **Maintenant.**
Elle ouvrit la portière et se laissa tomber au sol, sa jambe droite protestant sous le choc. **Fuir.**
Sienna s'enfonça dans la forêt, ses pas incertains sur le sol humide. Les branches fouettaient son visage, ses bras, mais elle continua.
Derrière elle, des voix résonnèrent.
- **Trouvez-la !**
La panique la submergea, un étau de peur se resserrant autour de sa gorge. Elle trébucha, se rattrapa de justesse. **Son corps était à bout.**
Puis, une main surgit de l'ombre et l'agrippa violemment.
Elle se débattit, son cri étranglé par une poigne de fer. **Un autre ennemi ?**
Mais non.
Une voix grave, froide comme l'acier, murmura contre son oreille :
- **Si tu veux vivre, tais-toi.**
Un frisson glacé parcourut son échine. L'homme la tira brusquement en arrière, la forçant à se cacher derrière un arbre massif.
Sienna n'eut que le temps d'apercevoir son visage à la lueur de la lune.
Des traits durs, une mâchoire ciselée, un regard aussi noir que la nuit qui les entourait. Il était grand, trop imposant pour être un simple civil. Son aura dégageait une puissance brute, un danger latent.
Puis, il porta un doigt à ses lèvres et sortit une arme.
Le premier des poursuivants émergea de la forêt, le regard fou.
L'homme inconnu ne lui laissa aucune chance.
Un coup de feu retentit. L'homme s'écroula, une tache sombre s'étalant sur son torse.
Sienna retint un hoquet d'horreur.
D'autres cris résonnèrent.
Son mystérieux sauveur lui jeta un regard impassible.
- **On bouge.**
Et sans attendre, il l'entraîna avec lui dans les ténèbres, la tenant fermement comme si elle lui appartenait déjà.