La routine rassurante de la ville lui offrait un semblant de stabilité, bien que son passé pesât toujours lourd sur son cœur. Mais ce matin-là, sa routine allait être brisée. Alors qu'elle traversait la place centrale pour attraper le tramway, son regard fut attiré par une affiche gigantesque accrochée sur la façade d'un immeuble.
**Nathan.**
Son visage était partout. L'affiche promotionnelle annonçait la tournée de son dernier album. Vêtu d'un costume noir élégant, ses cheveux légèrement en bataille, il semblait fixer Jeanne avec cette intensité qui autrefois faisait battre son cœur à tout rompre.
« Non... Ce n'est pas possible, » murmura-t-elle, immobile au milieu des passants pressés.
Un flot d'émotions l'envahit : colère, tristesse, mais aussi une pointe d'amour qu'elle s'efforçait de refouler depuis des années. Elle détourna les yeux, mais le visage de Nathan restait gravé dans son esprit, ravivant des souvenirs qu'elle avait tenté d'enterrer.
> Flash-back, deux ans plus tôt :
> « Jeanne, tu ne comprends pas, » disait Nathan, la voix tremblante, alors qu'ils étaient assis sur le vieux banc du parc.
> « Qu'est-ce qu'il y a à comprendre, Nathan ? Tu pars, tu me laisses, juste comme ça, après tout ce qu'on a vécu ? »
> Ses yeux bleus, qui avaient toujours été remplis de douceur, étaient désormais voilés par un mélange de regret et de détermination.
> « Je dois le faire, pour moi. La musique, c'est ma vie. »
Les souvenirs lui revenaient comme une vague violente. Elle secoua la tête, essayant de chasser ces images.
« Jeanne ! Tu rêves ou quoi ? » La voix d'Émilie, sa colocataire et meilleure amie, la tira de sa torpeur.
Jeanne se retourna pour la voir, un café à la main, lui lancer un regard interrogateur.
« T'as vu un fantôme ou quoi ? » plaisanta Émilie en suivant son regard jusqu'à l'affiche.
« Quelque chose comme ça, » répondit Jeanne avec un sourire forcé.
Émilie fronça les sourcils, mais n'insista pas. « Allez, on va être en retard. Le prof n'attend pas. »
La journée passa lentement, chaque minute semblant peser une tonne. Jeanne n'arrivait pas à se concentrer en cours. Ses pensées revenaient constamment à Nathan, à cette affiche, et à ce qu'elle avait perdu.
Plus tard, ce soir-là, Émilie insista pour qu'elles assistent à une soirée universitaire.
« Tu ne peux pas rester enfermée tout le temps, Jeanne. Ça te fera du bien de sortir un peu, de penser à autre chose, » déclara-t-elle en fouillant dans son placard pour lui trouver une tenue.
« Je ne suis pas d'humeur, Émilie. Sérieusement. »
« Justement, c'est quand tu n'es pas d'humeur que tu en as le plus besoin. Allez, cette robe noire te va à merveille. Mets-la. »
Jeanne céda à contrecœur. La soirée se déroulait dans un bar animé près du campus. La musique battait son plein, et le rire des étudiants remplissait l'air. Jeanne tenta de se détendre, un verre à la main, mais elle avait l'impression que chaque coin de la pièce lui rappelait Nathan d'une manière ou d'une autre.
Puis, la chanson commença.
Les premières notes de guitare acoustique étaient inoubliables. C'était l'une des premières chansons de Nathan, celle qu'il avait composée pour elle. Sa voix résonnait dans les haut-parleurs, douce et profonde, chaque mot transperçant son cœur.
*« Je t'ai cherchée dans chaque étoile,
Mais c'est dans ton regard que je me perds... »*
Jeanne se figea. Son souffle devint court, et son cœur battait si fort qu'elle crut qu'il allait éclater.
« Jeanne ? Tu vas bien ? » demanda Émilie en remarquant son visage livide.
« Je... Je dois partir. »
Sans attendre de réponse, Jeanne posa son verre sur le comptoir et se dirigea vers la sortie, ses mains tremblant. L'air frais de la nuit la frappa alors qu'elle sortait précipitamment, mais cela n'apaisa pas la tempête qui faisait rage en elle.
Elle marcha sans but, ses talons claquant sur le trottoir désert. Les larmes qu'elle retenait depuis des heures coulèrent enfin.
« Pourquoi maintenant ? Pourquoi lui ? » murmura-t-elle, la voix brisée.
Jeanne rentra chez elle, les épaules lourdes, l'esprit embrouillé. Elle se laissa tomber sur son lit, fixant le plafond. L'affiche, la chanson, tout cela semblait trop être une coïncidence. Était-ce un signe ? Était-elle destinée à affronter ce passé qu'elle fuyait depuis si longtemps ?
Le téléphone vibra sur la table de chevet. Un message d'Émilie s'afficha :
« Je suis là si tu veux parler. Ne garde pas tout pour toi, ok ? »
Jeanne hésita un instant avant de répondre.
« Merci, Émi. Mais ce soir, j'ai juste besoin d'être seule. »
Alors qu'elle éteignait son téléphone, une pensée traversa son esprit. Nathan était revenu dans sa vie, qu'elle le veuille ou non. Et elle savait, au fond d'elle-même, qu'il était temps d'affronter ses démons.
Le brouhaha dans la grande salle de réception était incessant, entre les tintements de verres à champagne, les éclats de rire des invités, et la musique légère qui flottait dans l'air. Jeanne était là, mais elle aurait préféré être ailleurs. Émilie l'avait convaincue, encore une fois, de participer au gala caritatif organisé par leur université.
« C'est une bonne occasion de faire du réseautage ! Tu veux travailler dans le droit, non ? Rencontrer des avocats influents pourrait t'ouvrir des portes, » avait plaidé Émilie en fouillant dans sa garde-robe pour lui prêter une robe.
Jeanne s'était laissée faire, mais elle regrettait déjà. Habillée d'une robe en satin bleu nuit qui épousait sa silhouette, elle se tenait à l'écart, un verre de jus de pomme à la main. Elle n'était pas fan de ces événements où tout le monde affichait des sourires figés et des conversations superficielles.
Elle balaya la salle du regard, se demandant combien de temps elle devait rester avant de pouvoir partir sans que cela ne paraisse impoli. Mais soudain, son regard s'arrêta net.
Il était là.
Nathan.
Debout près d'un petit groupe de personnalités, vêtu d'un costume noir impeccable, il riait à une blague qu'un homme plus âgé venait de faire. Sa présence imposante dominait la pièce, comme si un projecteur invisible était braqué sur lui.
Jeanne sentit son cœur s'arrêter, puis repartir à toute vitesse.
« Pourquoi est-il ici ? » murmura-t-elle à elle-même.
« Jeanne ? Tu parles toute seule ? » Émilie surgit à ses côtés, un verre de champagne à la main.
Jeanne détourna les yeux de Nathan, priant pour qu'il ne l'ait pas vue. « Rien, je réfléchissais juste... »
Mais Émilie suivit son regard et ses yeux s'écarquillèrent. « Attends une seconde... C'est... Nathan ? *Le* Nathan ? Ton Nathan ? »
« Chut ! Pas si fort ! » Jeanne posa une main sur le bras d'Émilie, jetant un coup d'œil nerveux autour d'elles.
Émilie étouffa un rire. « Oh, mon Dieu, c'est bien lui. Il est encore plus canon en vrai. Tu comptes aller lui parler ? »