Les rues en contrebas bruissaient faiblement, signe du réveil progressif de la ville. Natalie adorait cet instant précis de la journée, ce moment où le monde semblait suspendu entre le silence et l'effervescence. Alors qu'elle posait sa tasse, un bruit sourd provenant de l'étage la fit sursauter. Cela venait de l'appartement de Clara.
Clara était sa voisine immédiate, une jeune femme aux traits délicats et aux manières souvent fébriles. Leur relation se résumait à des salutations brèves et à quelques échanges de banalités sur le palier. Pourtant, il y avait chez Clara quelque chose d'intrigant, une nervosité palpable qui laissait penser qu'elle cachait un secret.
Intriguée, Natalie ouvrit sa porte et sortit sur le palier. Elle tendit l'oreille. Un silence pesant régnait maintenant, comme si le bruit entendu un instant plus tôt n'avait jamais existé. Elle hésita à frapper à la porte de Clara mais se ravisa. Peut-être n'était-ce rien, se dit-elle.
Quelques heures plus tard, alors qu'elle rédigeait un rapport pour son travail, des coups secs retentirent à sa porte. Elle ouvrit pour trouver Clara, visiblement agitée, les cheveux en bataille et les yeux fuyants.
« Natalie, je... je suis désolée de te déranger, » balbutia Clara, le souffle court.
« Pas de problème, entre, » répondit Natalie, surprise.
Clara refusa d'entrer et jeta des regards furtifs autour d'elle, comme si elle craignait d'être observée. Elle tendit un petit carnet à Natalie.
« Garde ça pour moi, s'il te plaît. Si quelque chose m'arrive... » Elle s'interrompit, la voix tremblante.
Natalie fronça les sourcils, déconcertée.
« Clara, qu'est-ce que tu racontes ? Tout va bien ? »
Clara secoua la tête, visiblement terrifiée.
« Je dois y aller. Fais juste ce que je te demande. S'il te plaît. »
Avant que Natalie ne puisse poser d'autres questions, Clara disparut dans l'escalier. Natalie resta un moment sur le seuil, le carnet en main. Elle avait envie de l'ouvrir mais se retint, respectant l'étrange demande de sa voisine.
Le lendemain, l'absence de Clara devint évidente. Sa boîte aux lettres débordait, et aucune lumière ne filtrait de son appartement. Natalie décida finalement de frapper à sa porte. Pas de réponse. L'inquiétude monta en elle.
Elle se rendit à la gérante de l'immeuble, Mme Collins, une femme d'une cinquantaine d'années, connue pour sa curiosité envahissante.
« Clara ? Ah, cette fille... Je ne l'ai pas vue depuis deux jours, » dit Mme Collins en haussant les épaules. « Mais elle est du genre discrète. »
« Deux jours ? Vous ne trouvez pas ça étrange ? » insista Natalie.
Mme Collins soupira. « Peut-être qu'elle est partie sans prévenir. Ça arrive souvent. »
Mais Natalie n'était pas convaincue. Le soir-même, elle se décida à entrer dans l'appartement de Clara. Elle avait une clé de secours que Clara lui avait confiée quelques semaines auparavant, au cas où. Son cœur battait à tout rompre lorsqu'elle déverrouilla la porte et entra.
L'appartement était plongé dans une obscurité oppressante. Les rideaux fermés empêchaient toute lumière de pénétrer. Natalie chercha l'interrupteur et alluma la lumière. Ce qu'elle vit lui glaça le sang.
Le salon était sens dessus dessous. Des meubles renversés, des papiers éparpillés partout, et une étrange odeur métallique flottaient dans l'air. Une lampe brisée gémissait sous ses pas. Natalie sentit une sueur froide couler le long de son dos.
Elle s'avança prudemment vers la cuisine, où elle trouva une tasse de café encore à moitié pleine sur le comptoir. Cela signifiait que Clara était partie précipitamment, ou pire, qu'elle avait été forcée de partir.
Natalie remarqua un détail troublant : un mot griffonné à la hâte sur un morceau de papier accroché au réfrigérateur. Il disait simplement : * »Ils savent. »*
Elle recula instinctivement, le cœur battant. Qui étaient « ils » ? Et que savaient-ils ?
Soudain, un bruit dans le couloir la fit sursauter. Elle éteignit la lumière et se tapit derrière un meuble, retenant son souffle. Les pas approchèrent, puis s'éloignèrent. Une fois le silence revenu, Natalie quitta l'appartement en courant, les jambes tremblantes.
De retour chez elle, elle verrouilla soigneusement la porte et s'effondra sur son canapé, le carnet de Clara toujours dans ses mains. Cette fois, elle décida de l'ouvrir.
À l'intérieur, elle trouva une série de notes désordonnées, des noms, des numéros de téléphone, et des adresses. Certains noms étaient entourés ou barrés, mais aucun ne lui était familier. Au milieu des pages, un schéma complexe reliait des noms à des mots comme « chantage », « meurtre », et « secret ».
Natalie sentit une panique grandir en elle. Clara était-elle impliquée dans quelque chose de dangereux ?
Le lendemain matin, Natalie se rendit au commissariat pour signaler la disparition de Clara. Mais l'accueil qu'elle reçut ne fit qu'ajouter à son malaise.
« Votre voisine, vous dites ? » demanda l'officier en charge, visiblement peu intéressé.
« Oui. Elle n'a pas donné signe de vie depuis trois jours, et son appartement... était en désordre. C'était bizarre, » expliqua Natalie.
L'officier haussa les épaules. « Peut-être qu'elle est partie en vacances sans prévenir. Vous savez, ce n'est pas si rare. »
Natalie sentit son irritation monter. « Non, vous ne comprenez pas. Elle était terrifiée avant de disparaître. Elle m'a donné ce carnet... »
Elle sortit le carnet pour le montrer, mais l'officier le repoussa d'un geste nonchalant.
« Écoutez, à moins qu'on ait des preuves d'un crime, il n'y a pas grand-chose qu'on puisse faire. Si vous avez d'autres informations, vous pouvez repasser. »
Frustrée, Natalie quitta le commissariat. Elle avait l'impression de tourner en rond, d'être seule dans cette quête. Pourtant, une chose était certaine : Clara avait essayé de lui envoyer un message, et il était de son devoir de comprendre ce qui s'était passé.
Alors qu'elle rentrait chez elle, une voiture noire, garée à quelques mètres de son immeuble, attira son attention. Deux hommes en costume sombre semblaient l'observer. Lorsqu'elle s'arrêta, ils détournèrent le regard, mais elle savait qu'ils la surveillaient.
Son cœur s'emballa. Qui étaient-ils ? Et que voulaient-ils ?
Ce soir-là, Natalie ne dormit pas. Elle passa des heures à analyser le carnet de Clara, cherchant un indice, une réponse. Mais plus elle lisait, plus les questions se multipliaient.
L'anonymat qu'elle avait tant chéri semblait lui glisser entre les doigts, remplacé par une inquiétude grandissante et un danger invisible. Clara avait disparu, mais son ombre planait encore, lourde de mystères et de secrets.