Elle n'avait pas choisi d'accepter cette mission. C'était le seul moyen pour elle de continuer à avancer sans se laisser engloutir par le passé, de protéger cette fragile jeune femme qui n'avait aucune idée des dangers qui pesaient sur elle. Élia n'était pas venue ici pour les querelles des meutes ou pour les luttes de pouvoir ; elle était venue pour une promesse faite à une amie décédée. Mais en entrant dans le territoire des Lunes Obscures, elle comprenait déjà que cette promesse l'entraînerait bien plus loin qu'elle ne l'avait imaginé.
Dès qu'elle franchit la lisière de la forêt, les silhouettes des gardes de la meute apparurent dans l'ombre. Leur présence était imposante, presque menaçante. Aucun mot ne fut échangé, mais l'atmosphère en disait long. Ils l'observaient avec des yeux perçants, évaluant chaque geste, chaque mouvement. Elle était une étrangère ici, et dans les meutes, cela signifiait bien plus que ce que l'on pourrait croire.
Elle s'arrêta à l'entrée de l'enceinte, son cœur battant un peu plus vite sous la pression invisible de l'endroit. La meute des Lunes Obscures était un lieu d'ordre, de règles inflexibles et de hiérarchie. Les meutes étaient comme des royaumes, et ce royaume en particulier était dirigé par un Alpha impitoyable : Kael Drax. Si Kael Drax était une légende parmi les siens, alors elle avait entendu suffisamment de murmures pour savoir qu'il n'était pas un homme qu'on affrontait sans en payer le prix.
Un garde s'approcha finalement d'elle, la jaugeant d'un regard froid. Il lui fit signe de le suivre. Élia obéit sans poser de questions, se sentant de plus en plus comme une pièce sur un échiquier, déplacée sans pitié par des mains invisibles. Elle se laissa guider à travers l'enceinte, où les bâtiments en pierre noire se dressaient comme des sentinelles. La tension dans l'air était palpable, chaque recoin semblait retenir son souffle. Les membres de la meute la fixaient de loin, certains curieux, d'autres méfiants.
Elle arriva enfin devant une grande porte en bois, solide, imposante. Le garde frappa trois coups distincts. Après un instant, la porte s'ouvrit, révélant l'intérieur d'un grand hall, où l'odeur de cuir et de bois brûlé flottait dans l'air. C'était une salle décorée de manière austère, mais impressionnante, avec de lourds tapis et des armures anciennes suspendues aux murs.
Au fond, trônait une silhouette qui ne laissait aucune place au doute. Il était là. Kael Drax. Son regard froid et pénétrant la traversa dès qu'elle entra. Élia sentit une vague de chaleur la traverser, bien que le froid ambiant persistât. Ses yeux d'or étaient comme deux flammes dans la pénombre. Il ne semblait pas l'avoir reconnue immédiatement. Elle s'en serait attendue, mais son regard intense lui arracha une sensation étrange, comme si quelque chose se passait sous la surface de son regard glacial.
« Vous êtes Élia Ross, n'est-ce pas ? » Sa voix était aussi sombre que la pièce autour d'eux, profonde et autoritaire.
Elle hocha la tête, ne le quittant pas des yeux, décidée à ne pas se laisser intimider. « Oui, Alpha. Je suis ici pour protéger Liora. »
Un éclat d'intrigue passa dans les yeux de Kael. Il se leva lentement, ses mouvements aussi gracieux qu'effrayants, comme une bête prête à bondir. « Liora... Ma fiancée. » La façon dont il prononça le mot avait un ton étrange, comme s'il n'y avait pas vraiment de passion derrière ces mots, mais une obligation froide. « Je vois. Vous êtes donc la guérisseuse qu'on m'a envoyée. »
« Je ne suis pas seulement guérisseuse », répondit-elle avec un calme qu'elle ne ressentait pas entièrement, « Je suis ici pour veiller sur elle. »
Kael sembla mesurer ses paroles, ses yeux l'inspectant comme une énigme qu'il cherchait à résoudre. « Vous êtes très... calme pour une étrangère. Pourtant, il me semble que vous cachez bien plus sous cette façade. »
Élia sentit une bouffée d'adrénaline envahir ses veines. C'était une remarque subtile, mais pleine de sous-entendus. Kael Drax ne se contentait jamais de simples apparences. Il percevait les choses que les autres ne voyaient pas.
Elle soutint son regard, sa respiration régulière, maîtrisant son jeu. « Peut-être. Mais pour l'instant, ma seule priorité est Liora. »
Un sourire presque imperceptible se dessina sur les lèvres de Kael. Un sourire qui n'atteignait pas ses yeux. « Liora est... précieuse, n'est-ce pas ? » Il s'approcha d'elle, ses pas lourds résonnant contre le sol en pierre. « Je ne doute pas que vous ayez beaucoup à offrir. Mais sachez ceci : ici, à la meute des Lunes Obscures, personne n'est jamais vraiment ce qu'il paraît être. »
Elle se haussait de ses talons, mais le regard perçant de Kael ne lui laissa aucune place à l'erreur. Elle n'était pas encore prête à se dévoiler complètement, mais il avait vu quelque chose. Il en était certain. Et pourtant, elle ne pouvait pas reculer.
Il tourna les talons sans un mot de plus et se dirigea vers une porte qui menait à un autre corridor. « Venez. Liora vous attend."
Élia le suivit, mais le chemin qu'elle empruntait n'était pas le seul qui l'intriguait. La meute était remplie de murmures, de regards chargés de mystère. Il n'était pas difficile de sentir la tension dans les airs. Liora, cette jeune femme innocente, était plus qu'un simple enjeu. Elle était au cœur d'une lutte bien plus vaste qu'Élia n'avait envisagée.
La porte s'ouvrit enfin sur une chambre sobrement meublée. Liora, allongée sur un lit, leva les yeux en entendant leur entrée. Ses yeux étaient aussi pâles que son visage, et elle semblait frêle, presque translucide, comme si elle avait été étouffée par le poids de sa propre existence. Ses cheveux, d'un blond presque argenté, tombaient autour de son visage avec une grâce maladroite.
« Vous êtes Élia ? », demanda-t-elle d'une voix douce, presque timide. « Je... je suis heureuse de vous rencontrer. Kael m'a beaucoup parlé de vous. »
Élia s'approcha, son cœur se serrant à la vue de la fragilité de la jeune femme. « Oui, Liora, je suis ici pour vous aider. Tout ira bien. »
Mais alors que Liora tendait la main vers elle, Élia sentit un frisson glacer sa peau. Quelque chose n'allait pas. Liora n'était pas simplement fragile ; elle était malade, épuisée par quelque chose de plus ancien, de plus sombre, que la simple faiblesse physique. Ses yeux, eux aussi, avaient un éclat étrange, presque hanté.
Elle s'assit près du lit, observant attentivement son visage pâle. « Comment vous sentez-vous ? » demanda Élia.
Liora baissa les yeux. « Fatiguée. Toujours fatiguée. » Un léger tremblement parcourut sa main. « Kael dit que tout ira bien... mais parfois, je ne suis pas sûre de ce qu'il veut dire. »
Élia posa une main sur la sienne, cherchant à lui apporter un peu de réconfort. Mais au fond d'elle, une certitude grandissait. Liora ne disait pas toute la vérité. Il y avait des secrets ici, dans ces murs, des secrets qui pouvaient bien tout changer. Mais quel rôle Kael jouait-il dans tout cela ?
« Nous allons trouver ce qui vous fait mal », répondit Élia doucement. Elle devait trouver une réponse. Une réponse avant qu'il ne soit trop tard. Mais les ombres dans la pièce semblaient de plus en plus épaisses, comme si elles écoutaient chaque mot qu'elle disait.