Le vent glacial de la fin de l'automne soufflait à travers les fenêtres cassées, rappelant chaque instant à Ariana que tout ce qu'elle avait connu - la richesse, le confort, l'illusion d'une vie protégée - s'effritait entre ses doigts.
Elle scrutait les papiers éparpillés sur le bureau de son père, des lettres de mise en demeure et des avertissements de saisie. Les chiffres la faisaient tourner la tête. Des millions en dettes, un héritage de décisions imprudentes, et un père mort qui, en fin de compte, n'avait laissé qu'une promesse brisée. Ariana se mordit la lèvre, la gorge nouée. Elle avait toujours admiré son père, mais il l'avait trahie en laissant sa famille dans cette ruine. Elle devait trouver une solution. Pour elle-même. Pour sa mère, qui se perdait dans la mélancolie de la perte. Et pour sa petite sœur, qui n'avait pas encore saisi l'ampleur du piège qui se refermait sur eux.
Les créanciers n'étaient pas des gens avec lesquels on pouvait négocier. Des hommes de l'ombre, avec des mains sales et des yeux froids, prêts à tout pour récupérer ce qui leur était dû. Elle pouvait presque les entendre, leurs voix rauques dans ses oreilles, la pression de leurs doigts croisés autour de son cou. Mais Ariana n'était pas prête à se laisser faire. Elle avait son propre orgueil. Elle savait que seule une solution radicale pouvait les sauver. Et ce soir, une opportunité allait se présenter à elle, bien qu'elle ne l'ait pas cherché.
Elle se leva d'un coup, laissant tomber un tas de papiers dans un mouvement de frustration. Une invitation à un dîner de charité posé sur le coin du bureau attira son attention. Un dîner organisé par les Moretti. Les rumeurs sur cette famille étaient aussi vastes que leur empire, mais ce qui captiva immédiatement Ariana, c'était un nom inscrit dans le bas de l'invitation : Rafael Moretti. Le nom de ce milliardaire énigmatique et impitoyable, celui dont tout le monde parlait à voix basse. La rumeur disait qu'il contrôlait bien plus que ses entreprises. Il régnait sur le monde souterrain, les mafias, et les âmes perdues qui osaient se croiser sur son chemin.
Le cœur d'Ariana battait plus fort. L'idée de rencontrer un homme comme lui l'intimidait, mais en même temps, elle sentait une étrange excitation. Peut-être qu'il y avait là une chance pour elle de négocier un avenir moins chaotique. Elle ne savait pas encore de quelle manière, mais ce dîner serait la porte d'entrée de quelque chose de grand. De très grand.
Quelques jours plus tard, Ariana se tenait devant le miroir de sa chambre, examinant chaque détail de sa robe noire, une pièce élégante et simple qui soulignait sa silhouette sans trop en faire. Elle avait opté pour un maquillage léger, ses cheveux coiffés en une cascade de boucles parfaites. Elle devait paraître parfaite. Pas trop démunie, pas trop fragile. Elle devait vendre l'image de la femme forte, digne, qui se battait pour sa famille, même si au fond, elle sentait une fragilité qu'elle n'avait jamais montrée à quiconque.
Elle arriva au dîner avec l'impression d'être observée. L'ampleur du lieu, le luxe éclatant du hall d'entrée, les chandeliers étincelants... tout cela semblait irréel. Des hommes en costumes noirs et des femmes en robes de soirée luttaient pour paraître nonchalants, mais l'ambiance était palpable, tendue. Ariana se sentit immédiatement déconnectée de ce monde, comme une intruse qui n'était pas censée être là. Mais c'était là, dans ce monde, qu'elle pourrait peut-être trouver une solution.
Le regard qu'elle chercha dans la foule, et qu'elle finit par croiser, était froid. Un homme se tenait à l'autre bout de la pièce, seul, un verre de vin rouge à la main, mais sa posture imposante, son air mystérieux, tout chez lui criait pouvoir. Rafael Moretti. Il était encore plus impressionnant en personne. De taille moyenne, mais avec une présence écrasante, il dégageait une aura glaciale, comme si l'air autour de lui était plus dense que celui des autres. Ses yeux sombres, perçants, semblaient traverser les gens comme s'ils n'étaient que de l'air. Ariana ressentit une bouffée d'adrénaline, son cœur battant un peu plus vite sous l'effet de cette rencontre inévitable.
Lorsqu'il la remarqua, il n'y eut aucun geste excessif. Juste une inclinaison subtile de la tête. Et pourtant, cela suffisit à faire naître un étrange frisson en elle, un frisson qui ne venait pas de la peur, mais d'une sorte de désir étrange et de curiosité.
Ariana s'avança vers lui, sa démarche assurée mais son cœur battant la chamade. Un serveur s'approcha pour leur offrir des coupes de champagne, et, d'un geste calculé, Rafael saisit son verre sans quitter des yeux Ariana, comme s'il attendait quelque chose. Il lui tendit la coupe sans un mot, et elle la prit, ne sachant pas trop comment réagir. Le regard de Rafael ne la quittait pas.
« Vous êtes la fille de Richard Sullivan, n'est-ce pas ? » demanda-t-il d'une voix basse, presque trop douce pour correspondre à l'intensité de son regard.
Ariana hocha la tête, une légère tension dans ses épaules. « Oui. Ariana Sullivan. »
« J'ai entendu parler de vous. » Il marqua une pause, la regardant de haut en bas. « Votre famille traverse des moments difficiles. »
Ariana ressentit un pincement au cœur, mais elle ne flancha pas. Elle était habituée aux murmures et aux jugements. Elle leva les yeux vers lui, décidée à ne pas se laisser intimider. « On dit que vous êtes un homme capable de résoudre de nombreux problèmes. Peut-être que vous avez une solution pour le mien. »
Rafael la regarda intensément, un sourire presque imperceptible effleurant ses lèvres. Il n'était pas du genre à répondre immédiatement. Il prit une gorgée de son champagne et, sans la quitter des yeux, il laissa planer le silence quelques instants. Cela faisait partie de son jeu, de son pouvoir. Elle pouvait le sentir. Il l'étudiait. Il mesurait chaque mot, chaque geste.
Puis, enfin, il parla. « Peut-être. Mais il me semble que vous n'êtes pas ici par hasard. Vous cherchez quelque chose de plus que de l'aide. »
Ariana sentit un frisson parcourir son échine. Comment pouvait-il deviner ça ? Elle baissa les yeux un instant, se forçant à garder son calme, puis elle reprit d'une voix plus assurée. « Peut-être. Mais vous avez raison. Je cherche une solution. Ma famille a beaucoup perdu, et je n'ai plus beaucoup d'options. »
Il la scruta un moment en silence. Le temps semblait s'étirer autour d'eux. Puis, avec une lenteur calculée, il murmura : « J'ai une proposition pour vous. Un mariage d'affaires. Vous devenez mon épouse, et en retour, je règle toutes les dettes de votre famille, je vous protège. »
Ariana le regarda, stupéfaite. Elle n'avait pas vu venir cela. La proposition était audacieuse, risquée, mais elle ne pouvait pas ignorer l'immense soulagement que cela pourrait apporter. Mais qu'est-ce que cela signifiait, vraiment ? Elle se mordit la lèvre, se demandant si elle avait le courage de se lancer dans une telle aventure.
Rafael attendait, serein, un léger sourire en coin, comme s'il savait qu'elle allait dire oui. Il était un homme de pouvoir, un homme qui n'offrait jamais rien sans attendre quelque chose en retour. Mais Ariana savait aussi qu'elle n'avait pas le luxe de refuser. Ce qu'il lui proposait était peut-être son seul chemin vers la survie.
Elle leva les yeux vers lui, et ses mots sortirent lentement, mais avec une certitude qu'elle ne s'était jamais permise auparavant. « D'accord. »