Elle n'avait pas vu venir la trahison. Ramlat, sa sœur aînée, la personne qu'elle avait toujours admirée, lui avait enlevé ce qui était censé être le sien. Leur lien, autrefois solide, s'était transformé en un gouffre béant, un abîme que rien ne semblait pouvoir combler. La douleur d'avoir été trahie par celle qu'elle considérait comme sa confidente était d'une violence inouïe. Amal s'était toujours sentie protégée par sa famille, mais cette illusion s'était brisée ce matin-là, quand elle avait découvert, en rentrant plus tôt que prévu, Ramlat dans les bras de son destin. L'homme qu'elle avait toujours cru être celui qu'elle allait épouser un jour, celui qu'elle aimait profondément, celui qu'elle avait toujours cru être le sien.
La pièce était silencieuse à l'exception du bruissement des rideaux, comme si tout l'univers avait cessé de respirer avec elle. Mais il y avait un bruit dans l'air, une tension sourde, et Amal savait que la confrontation avec Ramlat était inévitable. Elle savait que sa sœur allait se présenter devant elle pour justifier l'injustifiable, et que leurs vies ne seraient plus jamais les mêmes après cela. Elle inspira profondément, un souffle tremblant, et se dirigea lentement vers la porte.
Ramlat n'était pas loin. Le bruit de pas lourds sur le parquet annonça son arrivée. Amal sentit une onde de chaleur la traverser, un mélange de colère, de tristesse et de désespoir, mais elle n'arriva pas à bouger. Elle attendait, figée, que la femme qui était autrefois sa sœur vienne lui faire face. Un moment de silence s'installa dans la pièce, puis la porte s'ouvrit.
Ramlat entra sans un regard, les yeux baissés, comme si elle savait qu'Amal allait la juger. Elle n'était plus l'image de la sœur aînée qu'Amal avait idolâtrée. Elle semblait plus froide, plus distante, et pourtant, c'était la même femme. Les cheveux noirs, brillants, avaient l'air plus ternes, comme si la trahison elle-même s'était incrustée dans ses racines. Amal eut du mal à la reconnaître, comme si le lien de sang s'était définitivement coupé entre elles.
« Amal, » commença Ramlat, sa voix douce, mais dépourvue de chaleur, « je suppose que tu veux des explications. »
Amal n'arrivait pas à parler. La douleur qui l'étreignait était trop grande pour être formulée. Elle se contenta de la fixer, les yeux emplis de larmes qu'elle refusait de laisser couler. Les mots restaient coincés dans sa gorge, comme un poids qu'elle n'arrivait pas à évacuer. Ramlat, elle, baissa enfin les yeux, comme si elle n'osait plus affronte' le regard accusateur de sa sœur.
« Je suis désolée, je... je ne voulais pas que cela se passe comme ça, » murmura Ramlat, mais les mots sonnaient faux. Amal savait, au fond d'elle, que la sincérité n'était pas dans la voix de sa sœur.
« Tu as pris ce qui était mien, » répondit Amal d'une voix rauque, chaque mot un coup porté contre sa poitrine. « Tu as pris mon avenir, tu as pris... mon amour. Et tu n'as même pas eu la décence de me le dire. »
Ramlat se mordit la lèvre, visiblement gênée, mais elle ne dit rien. Elle se contenta de détourner les yeux, cherchant visiblement une excuse qui n'arriverait jamais. Amal, elle, ne pouvait plus supporter cette fausse posture de victime. Elle s'avança, d'un pas décidé, et attrapa la main de sa sœur, la secouant légèrement.
« Je t'ai toujours regardée comme un modèle, » dit-elle avec une rancœur palpable. « Mais là, je... je ne sais même plus ce que je ressens pour toi. J'ai l'impression d'avoir perdu une partie de moi, une partie de ma propre âme. »
Les deux femmes se tenaient là, dans un silence lourd de sens, chacune dans ses pensées, incapables de trouver les mots justes. Enfin, Ramlat releva la tête, comme si elle avait pris une décision intérieure.
« Amal, il ne fallait pas que ça se passe ainsi. Je t'aime, mais... je suis amoureuse de lui. » Ramlat sembla prendre une profonde inspiration avant de continuer. « J'ai fait ce choix, celui qui me semblait juste. Je n'ai pas voulu que ça se termine comme ça entre nous. Je pensais... je pensais que tu comprendrais. »
Amal la regarda, incrédule. « Comprendre ?! » s'exclama-t-elle, la colère montant dans sa voix. « Tu veux que je comprenne que tu m'as volé l'homme que je croyais être à moi depuis toujours ? Que tu m'as trahie, que tu as brisé tout ce que nous avions construit ? »
Ramlat baissa les yeux, comme si elle n'avait plus de force à opposer. Elle sembla sur le point de dire quelque chose, mais le bruit de la porte qui s'ouvrit brusquement interrompit leur échange. Le père d'Amal entra dans la pièce, l'expression sombre et les sourcils froncés. Sa silhouette imposante se dressait dans l'embrasure de la porte, sa voix grave brisant l'atmosphère tendue.
« Amal, Ramlat, » dit-il d'une voix autoritaire. « C'est fini, cette discussion. »
Il s'avança vers elles, les yeux durs. « Ramlat, tu as pris une décision. Et je vais prendre la mienne. »
Amal se tourna vers son père, le cœur battant fort dans sa poitrine. « Qu'est-ce que tu veux dire, père ? » demanda-t-elle, presque à voix basse, de peur que le sol sous ses pieds ne se dérobe complètement.
Le père d'Amal ne répondit pas tout de suite. Il se tourna vers Ramlat, lui jetant un regard froid, puis se tourna vers sa fille. « Amal, tu es ma fille, et tu mérites mieux que cela. Mais nous devons nous réorganiser. Ramlat a fait son choix, mais il n'y a pas de place pour la faiblesse dans cette meute. » Sa voix était ferme, mais il y avait une douleur sous-jacente, une douleur qu'il avait appris à dissimuler avec le temps.
« Je vais te fiancer, Amal, » annonça-t-il enfin, sans trembler, « à Amjad. »
Le choc fut immédiat. Amal écarquilla les yeux, incrédule. « À Amjad ? » répéta-t-elle, sa voix brisée. « Pourquoi lui ?! »
Le père la fixa un instant, son visage impassible. « Parce que c'est ce qui est nécessaire. Amjad est un Alpha fort, et il apportera l'alliance dont notre meute a besoin. Tu n'as pas le luxe de choisir ton destin. La famille doit passer en priorité. »
Amal se sentit étranglée par la dureté de ses mots. Elle regarda Ramlat, qui évitait son regard, la tête baissée. Il n'y avait plus rien à dire. Tout était décidé.
Elle se tourna vers la fenêtre, observant la neige qui tombait silencieusement à l'extérieur, emportant avec elle ses derniers rêves. « Je comprends, » murmura-t-elle, sa voix brisée. « Je comprends parfaitement. »
Mais à cet instant précis, alors qu'elle regardait au-delà de la neige, elle ne savait plus si elle était prête à accepter ce choix, ni à quel point cette décision allait marquer à jamais son cœur et sa vie.