Un silence s'étira, lourd, pesant. Puis, la phrase tomba, comme un couperet.
« C'est Thomas et Clémence... Ils ont eu un accident. Un camion, sur l'autoroute. Ils n'ont pas survécu. »
Le monde d'Élisa s'effondra en une seconde. Elle resta figée, incapable de formuler une pensée cohérente. Sa respiration devint erratique, tandis qu'elle serrait le téléphone si fort que ses jointures blanchirent.
« Non... Ce n'est pas vrai... » murmura-t-elle, la voix brisée.
Mais Marie ne répondit rien. Le silence de l'autre côté du fil était une confirmation suffisante.
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Les heures qui suivirent furent un tourbillon d'appels, de larmes et de démarches administratives. Élisa n'avait jamais ressenti une douleur pareille. Thomas, son frère aîné, avait toujours été son roc, son confident. Clémence, bien qu'un peu distante par nature, faisait partie intégrante de sa vie. Et maintenant, ils étaient partis. Juste comme ça.
Au petit matin, elle se tenait devant la porte de leur maison, les mains tremblantes sur la poignée. Elle savait ce qui l'attendait de l'autre côté : Nathan, 5 ans, et Chloé, 8 ans, désormais orphelins. Elle inspira profondément avant de pousser la porte.
Les enfants étaient dans le salon, blottis l'un contre l'autre sur le canapé. Nathan pleurait doucement, son visage enfoui dans un coussin. Chloé, quant à elle, avait un regard vide, fixé sur la télévision éteinte. Marie était assise à côté d'eux, une main posée sur l'épaule de la petite fille.
« Élisa... » dit Marie en se levant. « Ils ont besoin de toi. »
Élisa sentit une vague de panique monter en elle. Elle n'était pas prête pour ça. Comment pourrait-elle remplacer leurs parents ? Comment leur offrir ce dont ils avaient besoin, alors qu'elle-même était encore brisée par la nouvelle ?
« Chloé, Nathan... » dit-elle doucement, s'approchant d'eux. « Je suis là. Je vais prendre soin de vous, d'accord ? »
Nathan se redressa et courut vers elle, se jetant dans ses bras. « Ils sont partis, hein ? » murmura-t-il entre deux sanglots.
« Oui, mon chéri... mais je suis là. Je ne vous laisserai jamais. »
Chloé, elle, resta immobile. Ses grands yeux bruns étaient secs, mais son visage exprimait une tristesse insondable.
« Où est-ce qu'on va aller ? » demanda-t-elle d'une voix calme, presque mécanique.
« Vous allez venir chez moi, pour l'instant. On va trouver une solution, ensemble. »
Chloé hocha la tête, mais son expression ne changea pas. Elle avait l'air bien trop mature pour son âge, comme si elle comprenait déjà que rien ne serait plus jamais comme avant.
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Les jours suivants furent chaotiques. Élisa dû réorganiser sa vie en un temps record. Elle quitta son appartement exigu pour emménager dans la maison familiale, là où les enfants se sentiraient peut-être plus en sécurité. Chaque pièce lui rappelait Thomas et Clémence. Le parfum de Clémence flottait encore dans la chambre. Les jouets de Nathan étaient éparpillés dans le salon. Élisa avait l'impression d'être envahie par les fantômes de leur absence.
Un soir, alors qu'elle essayait tant bien que mal de préparer un repas pour les enfants, son téléphone vibra sur le comptoir. C'était un numéro qu'elle ne connaissait pas, mais quelque chose lui dit qu'elle devait répondre.
« Allô ? »
« Élisa Dupont ? » demanda une voix froide et formelle.
« Oui, c'est moi. »
« Je suis Me Lemoine, l'avocat de Mme Alexandra Gaudin. »
Le cœur d'Élisa manqua un battement. Alexandra Gaudin. La sœur de Clémence. Une femme influente, redoutable, et surtout, quelqu'un avec qui Élisa n'avait jamais eu de bonnes relations.
« Que puis-je pour vous ? » demanda-t-elle, en essayant de garder son calme.
« Mme Gaudin souhaite réclamer la garde de Nathan et Chloé. Elle estime qu'elle est mieux placée pour assurer leur bien-être, étant donné votre situation personnelle. »
Élisa sentit sa mâchoire se serrer. « Ma situation personnelle ? Je suis leur tante. Je suis capable de m'occuper d'eux. »
« Nous comprenons, mais Mme Gaudin est prête à faire valoir ses droits devant un tribunal. Vous recevrez une assignation dans les prochains jours. »
Le téléphone lui glissa presque des mains. Elle avait du mal à croire ce qu'elle venait d'entendre. Comment Alexandra pouvait-elle être aussi cruelle ? Les enfants venaient de perdre leurs parents, et maintenant, elle voulait les arracher à leur maison, à leur vie ?
Chloé entra dans la cuisine à ce moment-là, une expression inquiète sur le visage. « Qui c'était ? »
Élisa se força à sourire. « Rien d'important, ma chérie. Va jouer avec ton frère, d'accord ? »
Mais même à huit ans, Chloé n'était pas dupe. Elle fixa Élisa pendant un long moment avant de repartir sans un mot.
Une fois seule, Élisa s'effondra sur une chaise, la tête dans ses mains. Comment allait-elle faire face à Alexandra ? Elle n'avait ni l'argent ni l'influence nécessaires pour mener une bataille juridique. Mais une chose était certaine : elle ne laisserait personne lui prendre ces enfants. Ils étaient tout ce qu'il lui restait.