La table était dressée avec soin. J'avais préparé ses plats préférés, sorti les bougies que je réservais pour des occasions spéciales. Ce n'était pas dans mes habitudes de célébrer nos anniversaires avec autant de faste, mais ce soir, je voulais marquer le coup. Thomas travaillait dur ces derniers temps, et je sentais qu'on s'éloignait un peu. Cette soirée, c'était ma façon de nous retrouver.
Je regardai l'horloge : 20h. Toujours pas de message, pas de signe de vie. Il devait être encore au bureau. Je souris en coin. C'était typique de lui. Thomas avait toujours cette manière de se perdre dans son travail. "Ce n'est pas grave," murmurai-je en posant la bouteille sur la table. "Je vais lui faire une surprise. Il va adorer."
J'enfilai rapidement mon manteau, attrapai les clefs de mon sac, et pris la direction de son bureau. Je connaissais l'adresse par cœur. Combien de fois avais-je dû lui apporter des repas tard le soir quand il oubliait de manger ? Mais ce soir, c'était différent. Il n'avait pas mentionné qu'il travaillerait si tard. Peut-être qu'il avait besoin d'un peu de réconfort. J'étais déterminée à illuminer sa soirée, même s'il était fatigué.
Arrivée devant l'immeuble, j'entrai grâce à un code qu'il m'avait donné. Le silence régnait dans le hall. Je montai les escaliers, mes talons résonnant contre le carrelage froid. Tout semblait paisible jusqu'à ce que j'entende des rires étouffés provenant du bureau de Thomas. Curieuse, je m'approchai doucement de la porte. Mon cœur accéléra, mais cette fois, ce n'était plus l'excitation qui en était la cause.
Je poussai la porte légèrement et ce que je vis me coupa le souffle.
Thomas était là, mais il n'était pas seul. Élisa, ma meilleure amie depuis l'université, se tenait contre lui, ses bras autour de son cou, leurs corps beaucoup trop proches pour que cela puisse être innocent. Mon esprit se mit à tourner. Ce n'était pas possible. Non. Pas eux. Pas comme ça.
"Je n'arrive pas à croire que ça marche encore," rit Élisa en caressant son ventre arrondi. Un ventre que je n'avais jamais remarqué avant.
"Camille est naïve," répondit Thomas avec un sourire en coin. "Elle n'a jamais été très attentive. Elle est trop absorbée par ses projets stupides."
Le choc se transforma en colère brûlante. Mes mains tremblaient. Je poussai la porte avec force, faisant sursauter les deux traîtres.
"Naïve, tu dis ?" lançai-je, ma voix tremblant de rage. "Absorbée par mes projets stupides ?!"
Le visage de Thomas passa par plusieurs émotions : surprise, gêne, puis agacement. Élisa, elle, sembla chercher une sortie. Elle posa une main protectrice sur son ventre comme pour se protéger de mes mots.
"Camille," dit-il d'une voix faussement calme, "ce n'est pas ce que tu crois."
Je ris, mais c'était un rire amer, rempli de mépris. "Oh, vraiment ? Alors explique-moi ce que je suis censée croire, Thomas. Que ma meilleure amie est enceinte de toi par accident ? Que tout ça n'est qu'un malheureux malentendu ?"
Élisa tenta de parler, mais je levai une main pour l'interrompre. "Toi, tais-toi. Je veux entendre ce que monsieur parfait a à dire."
"Écoute," répondit-il enfin, visiblement agacé par ma réaction. "Tu n'as jamais été là émotionnellement. Toujours à te perdre dans ton boulot, dans tes idées farfelues. Élisa, elle, me comprend."
C'était comme recevoir une gifle. Mes projets, mes rêves... tout ce qui faisait de moi la femme que j'étais, il les méprisait ?
"Alors tout ça, c'est de ma faute ?!" hurlai-je, les larmes brouillant ma vision. "C'est moi le problème, c'est ça ?"
Élisa fit un pas en avant, sa voix douce mais tremblante. "Camille, je... Je ne voulais pas que tu l'apprennes comme ça. Je suis désolée."
"Sérieusement, Élisa ?! Tu couches avec mon fiancé, tu portes son enfant, et tout ce que tu trouves à dire, c'est que tu es désolée ?"
Le silence tomba, lourd et pesant. Je sentis ma colère se transformer en une douleur sourde. J'avais aimé ces deux personnes. Je leur avais confié mon cœur. Et maintenant, ils le piétinaient ensemble.
"Tu sais quoi ?" dis-je en me redressant, la voix plus froide. "Gardez-vous bien. Vous vous méritez l'un l'autre."
Sans attendre de réponse, je tournai les talons et quittai la pièce. Mon esprit était un brouillard. J'avais l'impression de flotter, de regarder ma vie s'effondrer comme un spectateur impuissant.
De retour à l'appartement, je pris une valise et commençai à jeter mes affaires à l'intérieur. Chaque vêtement, chaque objet que je touchais semblait chargé de souvenirs qui me faisaient mal. La bouteille de vin, encore intacte sur la table, me narguait.
"Adieu, Thomas," murmurai-je en claquant la porte derrière moi. "Et toi, Élisa... Tu peux garder tes excuses."
Dans l'ascenseur, les larmes que j'avais retenues commencèrent à couler. Je ne savais pas où aller, mais une chose était certaine : ce soir marquait le début de quelque chose de nouveau. Un vent de revanche soufflait dans mon cœur, et je savais qu'un jour, ils regretteraient tout ce qu'ils m'avaient fait.