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A toutes les filles que j'ai connues

A toutes les filles que j'ai connues

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Résumé

Table des matières

Les mémoires d'un homme seul, qui se remémore ses conquêtes passées, les souvenirs des femmes qu'il a aimées, et ses années de débauche.

Chapitre 1 Chapitre 1

2004

Plus que quelques kilomètres et j’arrive à destination.

Les vacances, enfin ! Chaque année j’oublie à quelle point les dernières heures de cours de l’année sont fatigantes. Pour les élèves, comme pour les profs ; je suis professeur de littérature dans un lycée à Paris. Ce n’est pas de tout repos.

Comme à mon habitude, je suis parti tout de suite après mon dernier cours, ne participant bien évidement pas aux derniers jours ennuyeux avec les élèves, à faire je ne sais quelle activité pour passer le temps et les obliger à venir en classe.

Mes valises faites la veille et déjà dans le coffre, à 17 heures, me voilà sur la route des vacances.

Durant dix mois de l’année, je vie une vraie vie de célibataire endurci. Sorties avec les potes dans les bars, plusieurs coups d’un soir sur la même soirée, adepte de cochonneries en tout genre, tant que la ou les filles sont belles et consentantes évidement. J’abuse de tout. Du sexe, de l’alcool et dis rarement non à un petit pétard ou une petite ligne.

Mais durant les deux mois restants, je m’isole un maximum de tous ces abus. Bien sûr, en tant qu’écrivain à mes heures, je ne dis jamais non à un petit verre de whisky ou un petit joint pour booster mon imagination.

Sept heures de route me séparent de mon point d’arrivée. Je connais la route comme ma poche. Déjà quatre ans que je l’use un peu plus chaque été pour rejoindre mon havre de paix, ma maison en bord de côte.

De nuit, je reconnais le paysage, j’arrive dans peu de temps.

J’ai acheté cette maison pour pouvoir écrire en paix durant mes deux mois de congés - quelques prix par-ci par-là et on prend vite la grosse tête quand on est écrivain. Elle est située dans le sud. Petite mais chaleureuse, elle est isolée de tout et face à l’océan.

C’est une maison finalement plutôt simple, blanche craie, bordée par les dunes et les falaises. Dans les dunes, un petit chemin mène jusqu’ à la route du dessus qui va au village.

Elle a deux entrées ; l’une donne sur le petit chemin en lattes de bois, bordé d’euphorbes, de lagures et autres plantes sauvages, qui remonte le long des dunes. L’autre entrée donne sur le porche face à la plage. Une dizaine de mètres de sable fin et blanc la sépare de l’océan.

Aux alentours, pas un chat, pas une maison, rien. Juste les vagues et le sable.

Quel que soit le climat, cette maison est onirique. On y est bien. L’été, les couchés de soleil y sont spectaculaires et l’hiver, les orages font trembler la terre, les éclaires zèbrent le ciel sans interruption et se reflètent dans l’océan rendant la nuit aussi claire que le jour.

Je me gare enfin. Comme d’habitude : sur le bas-côté de la chaussée à quelques mètres du chemin qui descend vers la plage et ma maison. Les valises en main, j’emprunte le chemin en latte - un peu casse-gueule en descente finalement – pour un repos bien mérité.

Je défais les valises et me pose enfin sur mon fauteuil. Bouteille de Jack Daniel’s en main et joint en bouche.

Je ne suis pas assis depuis deux minutes que j’entends du bruit de l’autre côté de la maison.

Je regarde l’heure : minuit passé. Surement un animal errant.

Le bruit revient. Je vais voir.

Une jeune fille. Assise là, sur le vieux fauteuil suspendu de mon porche, les yeux écarquillés comme si elle venait de se faire attraper après une grosse bêtise.

Ses cheveux bruns et bouclés, noués en une longue tresse épaisse, reviennent sur son épaule. Elle porte une robe blanche et courte et s’est recouverte d’une chemise en flanelle pour avoir plus chaud.

Ses pieds sont nus.

La lune se reflète dans ses yeux. Ses yeux immenses et noirs.

Je reste là, à la regarder, scotché par sa beauté.

- Salut ?

Sa voix est douce et interrogative.

Je remarque qu’elle tient un joint en main, pratiquement terminé. Je lui tends le mien qu’elle prend et me rend en échange un immense sourire. Le plus beau sourire que je n’ai jamais vu.

-Eléonore.

Me dit-elle en tendant la main vers moi.

-Derek… Qu’est-ce que tu fais ici Eléonore ?

-Je suis désolée. Je… Je pensais qu’il n’y avait personne dans cette maison. Je viens ici quasi’ tous les soirs.

Je ne sais pas quoi lui répondre, elle ne me dérange pas après tout.

-Y’a rien de mal, tu viens ici quand tu veux.

Je la dévisage, la regarde de haut en bas pendant plusieurs minutes. Elle a l’air apaisé qu’on se soit présenté, elle contemple l’océan.

Je prends une chaise à l’autre bout du porche et m’assois près d’elle.

Je lui tends la bouteille de Jack, qu’elle prend et bois de bon cœur, et lui pose quelques questions pour entamer la conversation.

-Tu habites dans le coin ?

-Je viens du village d’à côté, j’aime bien me promener la nuit ici. Tout est calme.

Elle se balance sur le fauteuil suspendu, rêveuse. Elle boit le Jack à la bouteille comme de l’eau.

-Et… tu as quel âge Eléonore ?

Elle me sourit encore et tire sur le joint avant de me le rendre.

-Vous pouvez m’appeler Lili. Tout le monde m’appelle comme ça. J’ai 15 ans. Et vous ?

Je repère le ton taquin de sa question. Je ne suis déjà plus de première génération c’est vrai, mais j’estime que je suis encore bien conservé malgré ma chevelure poivre et sel.

-J’ai 47 ans fillette. Tu me donnais plus ?

Elle rit.

-Il est quelle heure ?

Je lui réponds : 00h45.

-Si je rentre trop tard alors je me couche trop tard. Si je me couche trop tard, alors je me lève trop tard et je perds mon temps. CQFD.

Elle me rend la bouteille et me remercie.

-Bonne nuit.

-Bonne nuit Eléonore. Lili.

Je la regarde s’éloigner le long de la plage, jusqu’à la perdre dans le virage de la côte.

Quelle rencontre ! Mon cœur bat la chamade. Son sourire. Ses yeux. Sa fougue. Je ne désire plus qu’une chose, c’est la revoir.

Je vais me coucher, dans l’espoir de libérer mon esprit et passer vite à autre chose.

Je suis allongé dans mon lit. Je repense à elle, à son odeur, à son regard. Elle m’obsède déjà. J’imagine mes mains sur son corps et l’effet de mes caresses sur sa peau.

Je chasse vite ses idées de ma tête. Elle a 15 ans, elle pourrait être mon élève. Elle pourrait être ma fille.

Je m’endors, frustré et excité par cette visite nocturne improbable.

*

Il est 10h et déjà, il fait une chaleur étouffante dans cette maison.

Après une bonne douche, un café suivi d’une bière bien fraiche, je commence mon nouveau roman.

Je ne sais pas si c’est la chaleur ou la surprenante rencontre d’hier, mais l’inspiration me gagne. Je ne m’arrête plus. Les lignes de texte s’empilent et s’empilent sur mon écran. J’ai rarement été si productif en si peu de temps. Surtout pour des premières pages.

Midi, je fais une pause pour manger. Je n’ai pas eu le temps de faire les courses vu mon arrivée tardive d’hier soir, je vais manger à l’extérieur.

L’avantage quand on habite à la côte, malgré le tourisme, c’est qu’on a la chance d’avoir du poisson frais en permanence et en quantité. Je me dirige donc vers un restaurant en bord de mer, réputé pour sa bouillabaisse.

Un régal.

Je n’ai pas envie de rentrer tout de suite et bien que mon livre avance plutôt bien, j’aimerais profiter de mes vacances et du moment. Je m’engage dans une promenade en voiture à travers les routes et chemins que je connais. Faisant une halte de temps en temps pour fumer un joint avant de reprendre le chemin en direction de la plage.

Je pense à Lili. Je me demande si elle va revenir ce soir.

C’est d’ailleurs la première chose que je fait en rentrant à la maison, vérifier si elle est là.

Elle est là.

Sur la balancelle, fidèle au souvenir que j’ai de la veille. Assise et se balançant, avec sa tresse le long de son épaule. Cette fois-ci en plein jour, elle est encore plus éblouissante.

Les scènes que j’imaginais avec elle hier soir dans mon lit me reviennent à l’esprit, j’essaie de me contrôler. Qu’a-t-elle de plus que les autres ? Rien que la regarder suffit à me faire de l’effet.

-Il fait particulièrement chaud aujourd’hui, il y a un ventilateur à l’intérieur si tu veux être plus au frais fillette.

Mais qu’est ce qui me passe par l’esprit ? Pourquoi je lui demande ça ?

-Volontiers, merci. J’ai beau être à l’ombre, je sue comme une dinde un jour de Thanksgiving.

Elle accepte en plus, et avec le sourire.

Je l’invite à se mettre sur le fauteuil et nous sers un whisky sur glace. Je retourne à mon bureau, la laissant se rafraichir devant le ventilateur.

Je la regarde.

-Vous êtes écrivain ?

-J’essaie oui, j’ai déjà édité quelques livres.

Je lui tends un joint.

-Vous écrivez sous votre vrai nom ou un pseudo ?

-Un pseudo. Pourquoi ? Tu aimes lire Lili ?

Elle acquiesce fièrement.

-J’adore ça, les policiers surtout. C’est quel genre vous ?

Elle a l’air intéressé. Elle se promène dans la pièce, scrutant la moindre photo ou bibelot que je peux avoir laissé en évidence.

-Vous avez l’air d’avoir beaucoup voyagé ?

-J’ai été un peu partout c’est vrai.

Je n’ai pas écrit une ligne ou jeté un coup d’œil à ma feuille depuis mon retour. Je la regarde déambuler dans ma maison, dans son petit short en jeans. Toujours pieds nus. Est-ce une habitude chez elle ? Elle a un bracelet à la cheville, des créoles aux oreilles et des bagues pleins les doigts.

-Vous avez préféré quelle destination Derek ?

La curiosité fait briller ses yeux. Elle s’accoude sur mon bureau, impatiente de connaitre le pays que j’ai préféré visiter.

J’avale cul-sec le fond de mon verre.

-J’ai adoré le Vietnam et dans un autre registre et plus proche, j’ai beaucoup aimé l’Irlande.

-Le Vietnam ? Je ne m’attendais pas à ça. - A quoi pouvait-elle bien s’attendre ? - Pourquoi le Vietnam ?

-Parce que j’aime la culture Vietnamienne, la gentillesse des Vietnamiens et pour le pays en lui-même. Les paysages, les étendues sauvages, les fleuves…

-Le Mékong ?

Elle fait des ronds avec la fumée de son pétard.

Je la taquine un peu.

-Par exemple, oui, le Mékong. Je vois que tu connais ta géographie.

-J’aime bien le Vietnam aussi figurez-vous. Vous saviez que le Mékong là-bas était appelé Fleuve des neuf dragons ?

Je vois qu’elle n’a pas fini sa prise de parole. Elle lève les yeux au ciel pour réfléchir.

-Attendez si je me souviens bien en vietnamien ça se dit « Sangue Cou longue » (Sông Cửu Long). Enfin, faut imaginer avec le bon accent.

Elle rigole de son accent francophone. C’est qu’elle est cultivée en plus.

-Toujours est-il que vous ne m’avez pas dit quel genre de bouquin vous écrivez.

-Je dirais plutôt le genre énigmes – policiers.

-Vous écrivez des romans policiers ?

Elle me regarde avec ses yeux immenses et curieux.

-Sous quel pseudo vous écrivez ?

-Si je te le dis, ce sera plus nécessaire de prendre un pseudo.

Elle lève les yeux au ciel et continue sa ronde dans la pièce. Elle passe dans la cuisine, prend la bouteille de whisky et nous ressert un verre.

Je sens son regard sur moi tandis que je fais semblant de me concentrer sur mon livre. A quoi pense-t-elle ?

-Vous ne mettez jamais de musique quand vous écrivez ?

D’habitude oui, je mets toujours de la musique pour écrire. Je lui indique le meuble sous la fenêtre à côté du fauteuil.

-La platine est sur le meuble à ta gauche et les vinyles sont en dessous dans le meuble. Fais-toi plaisir.

Elle regarde les vinyles un par un, les plus neufs comme les plus anciens, les 45 tours comme les 33. Je la vois commencer à faire différentes piles, annonçant peut-être ses prochaines venues.

Je me replonge dans mon roman une bonne fois pour toute. Je reprends la dernière ligne pour la dixième fois en une demi-heure et parviens à faire un paragraphe supplémentaire. Ma concentration est dissipée quelques secondes quand la mélodie des premières notes de Wish You Were Here des Pink Floyd résonne dans la maison. Ce n’est pas la première piste de la face, elle a volontairement mis cette chanson.

Elle est assise sur le meuble, à côté de la platine. Une jambe pliée, amenant son genou assez haut pour y poser son menton. Son autre jambe pend dans le vide et remue au rythme de la musique.

Elle tourne la tête vers moi et souri.

-Je trouve que Pink Floyd c’est toujours efficace pour scruter le fond de son esprit. C’est ce dont vous avez besoin pour écrire : de la bonne musique.

-C’est parfait Pink Floyd, je suis déjà lancé. Merci fillette.

Le nom « fillette » la fait rougir. Elle me fait littéralement craquer.

Elle retourne dans le fauteuil face au ventilo, après avoir pris soin de mettre de côté les vinyles sur lesquels elle a jeté son dévolu.

Elle allume son joint et s’allonge de tout son long.

Elle m’explique que les rencontres, ce n’est jamais par hasard. Que si nous nous sommes rencontrés tous les deux c’est le destin qui l’a voulu.

Elle et ses parents ont emménagé le quartier il y a 8 mois. Avant ils habitaient à quelques kilomètres d’ici, direction nord, dans une petite ville à flanc de montagne, mais Lili ne s’y plaisait pas. Elle y avait passé toute sa vie et connaissait tout le monde. En plus, elle n’y avait d’affinité avec personne.

Elle voulait habiter près de l’océan.

Les parents de Lili sont en permanence en voyages d’affaires, ils sont représentants de la marque LIRDAN, la marque des produits de nettoyage. Ils parcourent sans cesse le globe à la recherche de nouveaux clients. Laissant Lili seule, durant parfois des semaines entières.

En raison de leur absence régulière, les parents de Lili ne peuvent rien lui refuser. Ils ont donc emménagé près de l’océan.

-Tu ne t’ennuies pas trop depuis que tu es seule ici ?

-Non, je m’occupe à ma façon, en plus des cours.

Ses parents ont beau ne pas être très présents, Lili ne profite pas de leur absence pour faire des fêtes, inviter des copines ou mettre la music à fond. Elle préfère se promener le long de la plage, de jour comme de nuit, pour regarder le paysage maritime et fumer un joint. C’est ça son truc qu’elle me dit.

Ses pieds nus sur le sable chaud et mouillé, l’écume qui s’évapore sur ses orteils, la brume qui caresse ses joues… Le calme, la solitude, c’est ça qu’elle recherche par-dessus tout.

-C’est pour ça que j’adore votre balancelle. Avec un livre, en tête à tête avec l’océan, je me sens chez moi.

Elle me raconte que ça fait huit mois qu’elle vient ici tous les soirs, qu’elle pensait même que cette maison n’était plus habitée.

-Je vie ici durant plus ou moins deux mois par an. Le reste du temps, effectivement, elle n’est pas habitée. Tu es ici chez toi Lili, tu viens quand tu veux.

Je remarque qu’il se fait tard, je lui propose un truc à manger.

Elle accepte et je m’attelle à la tâche. Avec cette chaleur, je prépare des sandwichs, ce sera frais et nourrissant.

Elle vient s’assoir au bar séparant le petit salon de la cuisine. Elle a pris nos deux verres.

La platine diffuse Across The Universe du vinyle des Beatles Let It Be Naked. Pourquoi es-tu entrée dans ma vie Lili ?

Après manger, nous nous posons dans le canapé, elle choisit un film. X-Men 2. Elle a vu le premier volet et en garde un bon souvenir. Va pour X-Men 2.

J’évite d’être trop près d’elle, je ne voudrais pas l’effleurer par inadvertance. Elle, s’allonge tête sur l’accoudoir du fauteuil, et glisse ses pieds nus et froids sous ma cuisse. Mes yeux longent ses jambes des pieds aux genoux et remontent sur son visage. Elle est déjà absorbée par le film.

Quand elle repart, il est minuit passé.

-Bonne nuit Derek, merci pour cette soirée.

Elle s’approche de moi pour me dire aurevoir. D’un geste conditionné, je la prends dans mes bras et la serre fort contre moi. Si seulement je pouvais ne plus la lâcher.

- Bonne nuit fillette, à demain.

Elle me répond « oui » de la tête et me tourne le dos pour s’évanouir dans la nuit, dans le bruis des vagues.

Bonne nuit Lili. Je suis à nouveau tout retourné.

Je prends la bouteille de whisky avec moi et vais me coucher.

Je ne cesse de me répéter son âge en tournant dans mon lit mais son image m’obsède. Il faut que j’en sache plus sur elle. Qu’a-t-elle voulu dire par « le destin à voulu qu’on se rencontre ». A part ajouter une ombre supplémentaire à ma liste de pêchés déjà bien longue, en quoi cette rencontre peut-elle être bénéfique pour elle comme pour moi ?

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