« Tu devrais être reconnaissante, » lança sa mère, brisant le silence. « Ce mariage te sauve de l'inutilité. »
Ellie releva la tête. « Reconnaissante ? Vous me vendez comme un objet. Vous n'avez même pas demandé mon avis. »
Sa mère haussa les épaules, insensible à la colère qui grondait dans la voix de sa fille. « Tu n'as pas d'avis à avoir. Tu n'es qu'un poids mort pour cette famille. Sans loup, sans valeur. Victor Hartfang te prend en pitié. Tu ferais mieux de remercier les dieux qu'il ait accepté cette alliance. »
Ellie serra les poings, ses ongles s'enfonçant dans ses paumes. Elle voulait hurler, leur jeter à la figure tout ce qu'elle retenait depuis des années. Mais elle savait que ça ne changerait rien. Son père, silencieux jusque-là, prit enfin la parole.
« C'est pour le bien de la meute, Ellie. Pour le bien de notre famille. Ne rends pas les choses plus difficiles qu'elles ne le sont déjà. »
Il évitait son regard, comme toujours. Un homme faible, se cachant derrière sa femme et ses traditions. Ellie sentit la rage monter en elle, une rage qu'elle n'avait nulle part où canaliser.
« Et si je refuse ? » lâcha-t-elle enfin, sa voix tremblant sous l'effort qu'elle mettait à ne pas éclater.
Sa mère éclata de rire, un son sec et cruel. « Tu n'as pas ce luxe. Tu n'es rien ici. Et tu seras encore moins si tu oses défier Victor. Fais ce qu'on te dit, et tu pourras au moins prétendre à un semblant d'avenir. »
Ellie détourna les yeux, incapable de supporter plus longtemps leur mépris. Elle avait grandi sous le poids de leur jugement, de leur rejet. Mais cela... c'était une trahison qu'elle n'avait pas vue venir.
Le soir même, elle se tenait devant la grande porte en bois du manoir des Hartfang. Ses vêtements simples contrastaient avec la richesse froide de l'endroit. Son cœur battait à tout rompre alors que la porte s'ouvrait, révélant un homme qu'elle reconnut immédiatement. Victor Hartfang.
Il était exactement comme on le décrivait : imposant, avec une aura glaciale qui semblait repousser toute chaleur humaine. Ses yeux, d'un gris acier, la détaillèrent sans aucune émotion. Elle se sentit nue sous son regard, réduite à rien de plus qu'un objet d'échange.
« Eleanor Wainwright, » dit-il enfin, sa voix basse et tranchante. « Entre. Nous avons à discuter. »
Elle hésita une fraction de seconde, mais entra finalement, sentant son dos se raidir sous le poids de son regard. Il la conduisit dans un salon où un feu crépitait dans l'âtre. Mais même cette chaleur semblait artificielle, incapable de percer l'atmosphère glaciale qu'il dégageait.
« Alors, c'est toi, » dit-il en s'asseyant dans un fauteuil, la toisant comme si elle était une curiosité rare et dérisoire à la fois.
Elle resta debout, refusant de montrer la moindre faiblesse. « Oui. Et vous êtes Victor Hartfang. L'homme qui accepte d'épouser une femme qu'il ne connaît même pas. Pourquoi ? »
Un sourire sans joie effleura ses lèvres. « Tu es directe. C'est surprenant. Pour répondre à ta question, ce mariage n'est qu'une formalité. Tes parents y voient une alliance stratégique. Moi, j'y vois un contrat. Rien de plus. »
Ellie sentit un frisson parcourir son échine. « Et que voulez-vous en échange ? Parce que je doute que ce soit simplement pour mon charme ou ma compagnie. »
Il haussa un sourcil, amusé par son insolence. « Tu n'as pas besoin de savoir. Tout ce que tu dois comprendre, c'est que ta vie ici sera différente. Je ne tolérerai ni désobéissance ni insubordination. Fais ce qu'on te demande, et tout ira bien. »
« Et si je refuse ? »
Un silence tendu s'installa, puis il se leva, s'approchant lentement d'elle. Son regard la transperçait, glacial et implacable.
« Tu n'as pas ce choix, » dit-il, sa voix presque un murmure, mais si lourde de menace qu'elle en eut le souffle coupé. « Ce mariage aura lieu. Que tu le veuilles ou non. »
Ellie recula d'un pas, sentant son courage vaciller. Mais elle se redressa rapidement, refusant de lui montrer sa peur.
« Très bien, » dit-elle enfin, sa voix ferme malgré la panique qui grondait en elle. « Mais ne vous attendez pas à ce que je sois docile. »
Victor laissa échapper un rire bref, sans chaleur. « Nous verrons bien combien de temps cette bravade tiendra. »
Il tourna les talons, la laissant seule dans le salon. Ellie serra les poings, jurant intérieurement qu'elle ne se laisserait pas écraser. Si elle devait vivre dans cet enfer, elle trouverait un moyen de s'en sortir. Quoi qu'il en coûte.