Dans le cadre strict de l'entreprise, elle n'était que son employée dévouée. Mais en privé, elle était l'épouse qu'il n'avait jamais officiellement reconnue. Leur relation, soigneusement dissimulée, était une source constante de tension. Personne ne devait savoir. Pour Lucas, cela faisait partie du contrat tacite qui les liait. Il tenait à son image, à son statut, à ce qu'on attendait de lui.
En entrant dans son bureau, Elena respira profondément. La journée allait être longue, comme toutes les autres. À son bureau, elle posa son sac et alluma son ordinateur, cherchant à se plonger dans le travail pour éloigner ses pensées. Mais ses doigts tremblaient légèrement. Elle avait appris une nouvelle qui bouleversait toute sa vie.
Elle était enceinte.
Une vague de joie l'avait d'abord envahie lorsqu'elle avait vu le résultat du test quelques jours plus tôt. Elle n'avait pas encore trouvé le courage de le dire à Lucas. Comment allait-il réagir ? Elle ne pouvait pas prédire sa réaction, et c'était ce qui la terrifiait le plus. Leur relation était déjà un équilibre fragile, basée sur des compromis silencieux.
Tandis qu'elle s'efforçait de se concentrer sur ses tâches, une notification apparut sur son écran. Un email de Lucas. Elle ouvrit le message.
« Réunion avec Sophie Larose à 15 h. Prépare les documents nécessaires. »
Elena fronça les sourcils. Sophie Larose. Ce nom lui était vaguement familier, mais elle ne parvenait pas à se souvenir exactement d'où. Probablement une cliente, pensa-t-elle, tout en ressentant un étrange malaise. Elle imprima les documents et passa les prochaines heures à organiser les dossiers pour la réunion.
À 15 h précises, elle frappa à la porte du bureau de Lucas. À l'intérieur, il était assis derrière son immense bureau, concentré sur son écran d'ordinateur. Son allure impeccable, ses cheveux soigneusement coiffés, tout en lui inspirait une maîtrise absolue. Il leva brièvement les yeux quand elle entra, lui adressant un regard rapide avant de replonger dans son travail.
« Les documents pour votre réunion sont prêts », annonça Elena, en posant la pile de papiers sur le bureau.
« Merci », répondit Lucas sans la regarder, absorbé par ce qu'il lisait. « Tu peux rester, j'aurai besoin de toi pour prendre des notes. »
Elena s'installa dans un coin de la pièce, le cœur battant un peu plus fort. Elle n'aimait pas ce genre de réunions, où elle devait rester en retrait tout en étant impliquée. Et pourtant, elle s'y pliait toujours. Pour lui.
Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit et une femme entra. Une grande brune aux cheveux ondulés, vêtue d'une robe parfaitement taillée. Elle dégageait une élégance naturelle, une confiance inébranlable. Le regard de Lucas s'illumina dès qu'il la vit entrer, ce qui n'échappa pas à Elena. Une vague de malaise la traversa, mais elle tâcha de garder son calme.
« Sophie, ça fait tellement longtemps ! » s'exclama Lucas en se levant pour accueillir la nouvelle venue avec un sourire chaleureux. Il lui serra la main, et l'échange entre eux semblait presque trop amical pour une simple relation professionnelle.
« Lucas, toujours aussi charmant », répondit Sophie avec un sourire en coin. Elle jeta un rapide coup d'œil à Elena, sans lui prêter plus d'attention.
Elena sentit un nœud se former dans son estomac. Cette femme n'était pas n'importe qui. Elle était une partie du passé de Lucas, un passé qu'il n'avait jamais mentionné, et qui venait tout juste de faire irruption dans leur présent.
La réunion débuta, mais Elena n'écoutait que d'une oreille distraite. Ses pensées étaient ailleurs, tourbillonnant autour de cette femme et de l'étrange familiarité entre elle et Lucas. Pendant toute la durée de la rencontre, Lucas ne cessa d'échanger des regards complices avec Sophie, et cela ne faisait qu'intensifier l'inquiétude croissante d'Elena.
Après la réunion, Sophie quitta la pièce avec la même assurance qu'elle avait en entrant, laissant derrière elle une atmosphère lourde de sous-entendus non dits. Elena, elle, restait assise, le regard baissé sur ses notes.
Lucas soupira, apparemment satisfait. « Elle n'a pas changé », murmura-t-il avec un sourire presque nostalgique, avant de se tourner vers Elena. « Tu as tout noté ? »
« Oui », répondit-elle d'une voix neutre, essayant de cacher la vague de ressentiment qui montait en elle. Elle se leva pour quitter la pièce, mais Lucas l'arrêta.
« Elena, attends. » Sa voix, douce mais autoritaire, la fit s'arrêter sur le seuil de la porte. « Je pense qu'il est temps qu'on parle. »
Elle se tourna lentement vers lui, son cœur battant à tout rompre. « À propos de quoi ? » demanda-t-elle prudemment.
Lucas hésita un instant, comme s'il cherchait les bons mots. « À propos de nous, de ce que nous sommes en train de faire. » Il croisa les bras, comme pour se protéger de ce qui allait suivre. « J'ai l'impression que... nous ne pouvons plus continuer comme avant. »
Elena sentit sa gorge se serrer. Ces mots résonnaient comme une condamnation. « Que veux-tu dire ? »
« Sophie est revenue en ville », dit-il finalement, évitant son regard. « Et cela a... ravivé certains souvenirs. Des souvenirs que je pensais avoir oubliés. »
Le silence s'abattit sur la pièce comme une chape de plomb. Elena se tenait droite, ses mains crispées sur le dossier de la chaise. Tout à coup, tout semblait clair. Sophie n'était pas seulement une ancienne connaissance. Elle était l'amour de sa vie, celui qu'il n'avait jamais pu oublier.
« Je vois », murmura Elena, sa voix à peine audible. Elle aurait dû s'y attendre, mais cela n'en rendait pas la situation moins douloureuse.
Lucas soupira, l'air visiblement mal à l'aise. « Je ne dis pas que je ne t'apprécie pas, Elena. Mais je crois que j'ai encore des sentiments pour elle. »
« Et moi ? » demanda-t-elle, la voix tremblante. « Qu'est-ce que je suis pour toi, Lucas ? Juste une secrétaire ? »
Il ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun mot ne sortit. Il baissa les yeux, visiblement incapable de répondre à cette question.
Elena sentit son cœur se briser en mille morceaux. Elle ne pouvait pas continuer à se battre pour quelqu'un qui n'était pas prêt à faire un choix. Et maintenant, elle portait son enfant.
Elle se redressa, prenant une grande inspiration. « Je vais partir, Lucas. Je pense que c'est mieux ainsi. »
Lucas sembla surpris, comme s'il n'avait pas envisagé cette possibilité. « Attends, tu ne veux pas en parler d'abord ? »
Mais elle avait déjà pris sa décision. « Non, je pense que c'est mieux comme ça. » Ses mots étaient prononcés avec une certaine fermeté, mais au fond, elle sentait sa détermination vaciller. Elle devait partir pour elle-même, pour son enfant à venir. Elle ne pouvait plus se contenter de demi-mesures.
Elle quitta la pièce sans un mot de plus, laissant Lucas derrière elle, perplexe et troublé. Chaque pas qu'elle faisait en s'éloignant du bureau semblait plus lourd que le précédent, mais elle savait qu'il était temps de penser à elle, à ce qu'elle méritait vraiment.