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L'alambic

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5.0
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Résumé

Table des matières

En pleine campagne électorale 2021 dans les Corbières, Iris parcourt les villages avec son fidèle chien, sous le chaud soleil audois de juin et le chant des cigales. Elle ne sait pas encore que sa vie n’est pas celle dont elle rêve. Déjà en couple avec Axel, elle rencontre Géraud et s’ensuit un vrai coup de foudre hollywoodien… Par ailleurs, les relations entre Iris et sa mère sont depuis toujours dénuées de sentiments. Page après page, ce conflit latent s’aggrave jusqu’à une découverte qui chamboule tout ce en quoi croyait Iris. Tel un alambic qui distille son précieux liquide, la vérité est dévoilée goutte après goutte. Réussira-t-elle à l’accepter ? À PROPOS DE L’AUTEURE La littérature a toujours été le refuge préféré d’Adèle Royon. Au fil des années, ses goûts littéraires ont évolué vers une préférence pour les histoires de familles avec leurs secrets, leurs désaccords. Ainsi, le chant des cigales et le soleil du magnifique pays audois ont sublimé son envie de raconter une histoire contemporaine s’y déroulant.

Chapitre 1 No.1

À Jean Luc

L’ostéopathe quitte sa courte blouse bleu ciel, l’accroche à la patère de métal fixée à mi-hauteur du mur près de la porte.

Raoul, son petit chien russe, semble avoir compris que le départ est proche. Il balaie le sol avec sa queue et s’agite frénétiquement.

Iris lui attache son harnais et, au passage, prodigue quelques caresses sur le long pelage roux. Elle récupère rapidement son téléphone portable posé négligemment sur son bureau et le fourre dans son sac. La jeune femme consultera ses messages plus tard, elle n’a que le temps d’aller se rafraîchir et se changer chez elle avant de filer à Montséret où son père l’attend.

La campagne électorale bat son plein. Iris regrette presque de s’être laissée entraîner dans cette bataille. Mais son père a tant insisté qu’elle n’a pas eu le courage de le lui refuser. En revanche, elle a tenu à ne pas être candidate elle-même.En effet, son emploi du temps très chargé au cabinet de kinésithérapie et ostéopathie, ajouté à son goût modéré pour la politique, fût-elle locale, ne l’a pas engagée à participer davantage au-delà des élections.

La porte de son cabinet claque à cause du courant d’air, elle n’a pas pu la retenir, tout occupée qu’elle était à chercher la clé de son antivol.

Elle salue rapidement madame Hugon qui note un rendez-vous sur un grand agenda. Elle croise Axel Chassiron qui s’apprête à entrer dans une cabine avec un nouveau patient. Ils se sourient rapidement, son regard gris d’homme amoureux se fait tendre. Iris lui envoie un baiser du bout des doigts, assorti d’un clin d’œil.

Raoul a bien compris que le moment de se dégourdir les pattes n’était pas encore arrivé. Il se laisse déposer dans le panier à l’avant du vélo électrique de sa maîtresse. En bon chien, il s’assoit sur son confortable coussin à grands carreaux jaunes et blancs.

Iris referme la grille de protection sur l’animal et s’assure que le panier est solidement accroché. Elle détache l’antivol, l’enroule sous la selle et ajuste son casque. Avec la chaleur ambiante, elle préférerait rouler cheveux au vent, mais la sécurité n’est pas négociable.

Elle enfourche sa bicyclette, quitte Bizanet et pédale rapidement vers sa maison à Ornaisons, le petit village voisin. Habituellement, elle apprécie ce moment qui la sépare de son domicile. Elle en profite pour décompresser. Il n’y a rien d’autre à faire que d’admirer le paysage depuis Bizanet.

Cette petite route qui serpente entre les vignes est assez peu fréquentée. Heureusement, parce qu’elle est plutôt rétrécie et parfois les quelques rares automobilistes roulent très vite, oubliant le danger potentiel d’un tracteur étroit sortant d’un chemin, d’un chien de chasse perdu à l’automne et de cyclistes amateurs.

Les quelques minutes qui l’entraînent du cabinet à son refuge sont une trêve dans sa journée chargée. En ce vendredi de début juin, ce sera la seule, hélas !

Arrivée devant la maisonnette qu’elle loue depuis maintenant deux ans, elle admire encore et toujours l’immense chèvrefeuille odorant, tout en fleurs, qui court le long de la façade. Elle se souvient que c’est sa mère qui lui a donné la bouture lorsqu’elle s’est installée ici.

C’était un moment de partage si rare qu’elle a un petit pincement au cœur en y pensant. Elle soupire.

Iris aime cette fin de printemps empli de parfums et de soleil. Elle gare son vélo et libère enfin son chien qui décampe derrière la maison, vers une cachette connue de lui seul et de chats intrépides qui osent s’aventurer sur son territoire. Quelques aboiements se font entendre, sans doute a-t-il délogé un imposteur…

Iris n’a pas de temps à perdre et ne peut se permettre d’aller batifoler avec lui dans le jardin, comme elle aime le faire chaque soir. À cet instant, la baballe l’en remercie sûrement, elle ne subira pas les mordillements du jeune chien !

Les grands carreaux de plâtre et le jet tiède de la douche à l’italienne apportent un semblant de fraîcheur à Iris. Elle savoure cet instant, même bref. L’eau coule sur sa peau mate déjà hâlée, mais il lui faut vite se sécher. Elle s’enveloppe dans son moelleux peignoir de bain et essaie de discipliner ses cheveux bruns du bout des doigts. Un bon coup de brosse effacera momentanément les bouclettes humides sur sa nuque. La jeune femme enfile une légère robe jaune pâle qui danse autour de ses longues jambes. Une touche de mascara et de rose à lèvres complète sa transformation. Elle chausse des sandales à talon et à fines brides, cueille son chapeau de paille au passage et la voilà aussitôt repartie. Elle siffle Raoul qui déboule immédiatement dans l’allée. Elle saute dans sa voiture, attache la petite bête dans son panier dédié sur le siège avant et file sur Montséret rejoindre son père, candidat au Canton des Corbières, ainsi qu’une partie de l’équipe de campagne

Tous les vendredis, l’épicerie associative du village propose une soirée concert couplée à un marché nocturne de producteurs et d’artisans locaux. In petto, Iris salue l’effort de la municipalité qui porte cet évènement. Bien manger en faisant son marché et passer un bon moment en musique est une bien belle et généreuse idée.

Iris espère en profiter malgré la fatigue. Depuis qu’elle est engagée dans cette campagne électorale, les journées de vingt-quatre heures ne suffisent plus. Elle ignore comment fait son père pour ne pas craquer. Il est vrai que pour lui c’est une redite. Il est déjà vice-président du conseil départemental depuis six ans, et maîtrise plutôt bien la charge de cette campagne. Assurément, être à la retraite aide grandement.

Iris est secrètement fière de son père, elle aime qu’il n’hésite pas à mener des combats que d’aucuns diraient perdus d’avance. Défendre la veuve et l’orphelin a été le moteur de sa carrière de juge jusqu’à il n’y a pas si longtemps. Et Alain Grandville est encore un bel homme, il n’y a qu’à observer le comportement des femmes qui gravitent autour

Il est soulagé et heureux d’avoir quitté son tribunal pour enfants de Carcassonne afin de profiter d’une retraite, pourtant pas si paisible, dans la maison familiale dont il a hérité à la mort de ses parents à Saint-Laurent de la Cabrerisse. Lui qui a toujours eu une vie sociale épanouie lorsqu’il vivait dans la ville préfecture, a souhaité donner de son temps et utiliser son entregent à une cause qu’il juge noble et droite : se mettre au service de ses concitoyens. Ainsi, cette logique l’a-t-elle amené à la vice-présidence du département.

Iris peine à trouver une place pour sa voiture parmi les ruelles parfois très resserrées du village. Elle n’a pas très envie d’une longue marche et se gare le long de la rue du musée.

Raoul est impatient de se dégourdir les pattes, et saute de la voiture sans qu’il soit besoin à sa maîtresse de tirer sur la laisse.

Le soleil qui commence à peine son déclin l’oblige à sortir de son sac ses larges lunettes de soleil, protégeant ainsi ses yeux noisette du scintillement. Elle se hâte vers l’Épicentre où une foule bigarrée a déjà investi les étals mais également les sièges en terrasse.

Son téléphone portable bipe. Iris le consulte et lit que son père l’attend devant le seul étal de couteaux. Elle n’est guère surprise, son père est un collectionneur de couteaux de pays. Il en possède de nombreux, parmi lesquels le Thiers, l’Aurillac, le Laguiole, la Corrèze pour les plus connus, et bien sûr l’Occitan.

Elle cherche l’étal du coutelier, et le déniche derrière celui d’un primeuriste où s’amoncellent de luisantes tomates rouges, d’odorants melons, des pêches blanches et jaunes, des salades vertes encore humides. Ce mélange de couleurs et de parfums ravit les yeux et le nez de la jeune ostéopathe. Elle aimerait, pour une fois, s’arrêter, souffler un peu, bavarder avec le producteur, choisir parmi ces primeurs locales toutes fraîches.

Son père, en discussion avec quelques personnes autour de lui, lui fait un petit signe de la main. Elle le rejoint et enfile instantanément son costume de campagne électorale, saluant tout sourire, serrant quelques mains, ayant un mot attentionné pour les personnes qu’Alain Grandville lui présente.

— Je vous présente Iris Souchet-Grandville, ma fille, qui nous aide sur cette campagne, révèle-t-il à son entourage, avec une certaine superbe.

Ses deux enfants lui ont apporté beaucoup de joie et de fierté, d’une part parce qu’ils ont des qualités humaines dont il ne peut douter et parce que leur sens de l’engagement pour les autres n’est plus à démontrer. Son fils Paul, de quatre ans le cadet d’Iris, est lui aussi très dévoué dans sa profession d’infirmier.

Les conversations sur la politique locale vont bon train, les promesses de campagne affluent, mais tout cela reste très bon enfant. Alain Granville est bien connu de tous et chacun sait son engagement infaillible pour le département de l’Aude et en particulier pour son canton des Corbières.

Un homme, au regard bleu azur fané par les ans, s’avance vers Iris et l’interpelle d’une voix rocailleuse :

— Savez-vous d’où vient le nom de Montséret, mademoiselle ?

— Euh… du mot sierra, hasarde Iris, prise au dépourvu.

— Pas du tout, c’est ce que beaucoup croient. Non ça vient de sereno,un petit oiseau migrateur africain, un guêpier quoi !

Le vieil homme touche sa casquette crasseuse de l’index et repart, en traînant un peu la jambe. Amusée, Iris sourit.

— Vous dormirez plus savante ce soir ! murmure dans son dos un homme penché légèrement vers elle.

Surprise, la jeune femme se retourne et fait face à un sympathique et très grand jeune homme dont les yeux verts ne semblent pas se départir de leur sourire.

À ce moment précis, son père les rejoint et tend une main amicale à l’homme.

— Ah, je vois que tu as rencontré Géraud Lepeyrou qui se présente avec nous aux élections en tant que suppléant. Il remplace ce pauvre Jean qui ne reprendra pas après son accident cardiaque. Ils ont eu très peur, sa femme et lui, alors il a renoncé, explique doctement Alain, tout en maintenant une main sur l’épaule de Géraud.

Iris et lui se saluent gentiment. L’homme s’accroupit pour caresser Raoul qui laisse libre place à sa sociabilité en léchant à grands coups de langue rose la main du géant.

Iris rappelle à son père qu’il serait peut-être bon de chercher d’ores et déjà des places assises s’ils veulent profiter du concert et déguster une belle assiette de fruits de mer arrosée d’un petit vin blanc de pays.

Alain la rassure, il a anticipé et réservé une table. Il rassemble aussitôt son équipe de campagne et tous s’installent dans les fauteuils qui entourent les tables au beau milieu de la place centrale où sont déjà assis des gens du cru, des habitants des villages voisins, mais également quelques vacanciers qui préfèrent la vie des petits villages typiques plutôt que le bord de mer, déjà pris d’assaut et envahi en cette période de début d’été.

La soirée est douce, une légère brise ventile les visages rougis par la chaleur et peut-être un peu aussi par le vin si corsé des Corbières.

Iris se détend enfin, goûte ce plaisir où se mêlent tout à la fois des sensations olfactives et gustatives.

La fanfare des Corbières réveille tout son public en ouvrant le bal des festivités. Les conversations se font difficiles, couvertes qu’elles sont par la musique. Quelques courageux danseurs se lancent sur une piste de danse formée aléatoirement.

Le soleil disparaît derrière le village en laissant une large traînée rose orangé.

Raoul est sagement endormi aux pieds de sa maîtresse adorée.

Iris bâille discrètement derrière sa main aux doigts élancés. D’un coup d’œil, son père l’autorise à partir. Il est conscient que ses journées sont longues et qu’elle a besoin de repos.

Elle apprécie que son papa continue à prendre soin d’elle, même devenue adulte. Un lien très fort les a toujours unis ces deux-là. Sa mère en est souvent un peu fâchée, ce que déplore Iris. Elle chasse ces pensées qui finiraient par lui gâcher sa journée, comme trop souvent…

Lorsqu’enfin elle ouvre sa porte d’entrée, elle voit immédiatement que son répondeur clignote. Ce ne peut être que sa grand-mère maternelle. Elle est quasiment la seule à appeler sur le téléphone fixe. Elle envoie promener ses sandales à talons sous le porte-manteau de l’entrée.

Raoul est reparti vaquer à ses activités, vraisemblablement les dernières avant que la porte ne se ferme sur les mystères du jardin.

Iris enclenche le répondeur et la voix fluette de son aïeule emplit la pièce. Elle espère avoir des nouvelles de sa petite fille et surtout une visite pas trop lointaine à Aurillac. Iris se promet de la rappeler demain. De toute façon, il est trop tard pour aujourd’hui, sa manou doit être couchée.

Elle va en faire de même après une ultime douche à peine tiède. Il fait si chaud, même la nuit.

Raoul vient de rentrer de sa virée nocturne, Iris ferme la porte à clé derrière lui. Il se précipite sur le lit de sa mère adoptive et enfouit son petit museau pointu sous le drap, témoignant ainsi de son intention de passer la nuit au plus près de sa maîtresse. Quand Axel est là, Raoul dort sagement sur son coussin, ayant bien assimilé qu’il n’était pas le bienvenu entre Iris et son amoureux.

Une fois allongée, Iris peut faire un rapide brainstorming de la journée à venir. Rien de bien spécial ne se profile à l’horizon de ce samedi, si ce n’est d’assister à la messe de Saint Régis à Fontcouverte où il lui faudra serrer de nouvelles mains et sourire à de nouveaux visages. Elle n’est pas particulièrement croyante, mais sa mère fait partie de l’association des amis de Saint Régis et ses parents ont insisté pour qu’elle soit présente avec eux. Cependant, elle a réussi à échapper à leur invitation à passer la journée avec eux, prétextant une réception entre amis pour le soir même.

Il ne lui reste plus qu’à régler l’alerte sur son téléphone portable, enfin poser la tête sur l’oreiller encore un peu frais et fermer les yeux.

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Mis à jour : Chapitre 26 No.26   05-24 17:52
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